L’opposant politique sénégalais Ousmane Sonko, porte-parole du PASTEF (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), député et candidat à la présidentielle de février 2019, a été libéré de garde à vue le 8 mars par le régime autoritaire et pro-impérialiste de Macky Sall, sous la pression de manifestations massives.
Malgré cette victoire pour l’opposition démocratique, il demeure sous contrôle judiciaire et n’a reçu aucune garantie sur les conditions d’un procès indépendant du régime, et de nombreux et nombreuses militantEs d’opposition demeurent emprisonnés dans les geôles du régime.
Puissantes manifestations
Ousmane Sonko s’est vu retirer son immunité parlementaire par une assemblée largement acquise au parti présidentiel, suite à une accusation de viol par une salariée d’un salon de massage – qui a porté plainte contre X. Cette accusation, qui n’a pas encore été instruite ni jugée, est instrumentalisée par le régime et largement perçue dans le pays comme une manœuvre visant à empêcher Ousmane Sonko de participer à la vie politique de son pays. Sans se prononcer en aucune manière sur le fond de cette accusation de viol qui doit être instruite et jugée par un tribunal indépendant du régime, les droits civiques de M. Sonko doivent être garantis face à un régime qui ignore depuis longtemps l’indépendance de la justice.
La large mobilisation en soutien à Ousmane Sonko a fait émerger un cadre unitaire, le Mouvement de défense de la démocratie (M2D), qui regroupe, au-delà du PASTEF, des partis et organisations comme les Forces démocratiques du Sénégal (FDS), Y’en a Marre et FRAPP-France Dégage. Les revendications communes portent sur la libération des prisonniers politiques et le droit de manifester, dans un contexte de répression violente ayant déjà causé au moins une quinzaine de morts d’après l’opposition. La force et l’unité du M2D ont été démontrées par les puissantes manifestations des dernières semaines.
Ces manifestations ont en outre exprimé la colère de la population sénégalaise, qui souffre doublement de la crise sanitaire et économique. Une colère qui porte également contre l’impérialisme français, comme le montrent les attaques contre des grandes enseignes françaises : Auchan, Total, Eiffage… Face à cette situation dramatique, la principale préoccupation de Macky Sall semble bien être de préparer d’ores et déjà l’élection présidentielle de 2024, lors de laquelle il envisage de briguer un troisième mandat, malgré la limitation à deux mandats inscrite dans la Constitution sénégalaise.
Nécessité d’une alternative
En complet décalage avec les préoccupations du peuple sénégalais, cette politique de pouvoir personnel s’appuie d’ores et déjà sur des éléments dictatoriaux, comme, tout récemment, l’engagement de forces de répression en civil, tirant à balles réelles sur les manifestations. Macky Sall peut également compter sur la complicité de l’État français, qui soutient le régime en place. La situation n’est pas sans rappeler la fin du deuxième mandat d’Abdoulaye Wade, qui avait vu naître le mouvement M23 contre sa tentative de briguer un troisième mandat.
Macky Sall a encore plusieurs années devant lui pour préparer son passage en force, ce qu’il commence déjà à faire en neutralisant successivement touTEs ses opposantEs. C’est pourquoi aujourd’hui, pour ses opposantEs les plus conséquents, doit se poser la question de revendiquer sa démission et la tenue d’une élection présidentielles anticipée. Il incombe au M2D de proposer non seulement une défense des libertés politiques, mais un programme politique d’ensemble, conforme aux intérêts de la population.
Ce serait le meilleur moyen de contrecarrer les intrigues de Macky Sall, mais surtout, cela permettrait à l’opposition démocratique et anti-impérialiste de proposer une alternative politique au peuple sénégalais, pour que celui-ci se réapproprie les richesses de son pays et rompe avec le néocolonialisme et le diktat monétaire du Franc-CFA/Eco. Seule une telle rupture peut permettre au Sénégal de sortir de la crise sanitaire et économique sans imposer d’immenses sacrifices à ses habitantEs. La voie de la rupture avec le néocolonialisme passe aujourd’hui par la poursuite et l’approfondissement de la mobilisation, y compris en France où la responsabilité de l’État français doit aussi être dénoncée par les partis et syndicats français solidaires avec le peuple sénégalais.