Publié le Mardi 22 juin 2021 à 16h38.

Ebrahim Raïssi : un criminel contre l’humanité « décrété » Président de la république en Iran

Les iranienEs ont été appelés aux urnes pour élire leur 13e Président de la république parmi les candidats bien filtrés par le « Conseil des Gardiens », chose qui arrive à chaque élection, ce qui d’office, ôte la qualité « démocratique » de toutes ces élections.

Jusqu'à présent, le pouvoir laissait toujours un candidat du camp dit « réformateur » en lice, afin de donner un semblant de choix, et en même temps l'utiliser comme bouc émissaire, responsable de tous les maux de la société. Mais cette fois-ci le verrouillage a dépassé toute imagination. Le Guide Suprême, détenteur du vrai pouvoir, dans la pratique et selon la Constitution, a décidé d’éliminer tout candidat autre que ceux inféodés au cercle restreint du pouvoir. Il a voulu resserrer les liens autour de lui en éliminant même des gens proches du président sortant Hassan Rouhani.

Et c’est dans une indifférence quasi-générale et une abstention record impossible à cacher, qu’a été accueillie l’annonce de la victoire d'Ebrahim Raïssi, chef en exercice du pouvoir judiciaire.

Crise multiples en Iran

Ce membre de la « Commission de la mort » responsable des massacres de milliers de prisonniers politiques à l’été 1988 est considéré comme un criminel contre l’humanité par Amnesty International. L'annonce de son élection n'a été suivie d'aucun défilé de ses partisans dans les rues, d'aucune scène de joie ou même du moindre signe d’enthousiasme.

Les raisons de cette situation sont nombreuses. L'Iran est en effet traversé par des crises multiples :

- Une crise économique sans précédent due à l’application des politiques néolibérales, aggravée par les sanctions US Elle est caractérisée par un chômage massif, l'effondrement de la monnaie nationale, une chute vertigineuse de la production (trois années de récession de suite), une inflation à deux voire trois chiffres touchant notamment certains produits de première nécessité, le non-paiement des salaires pendant des mois, une crise boursière, une corruption systémique et à très grand échelle, etc.

- Une crise écologique qui se manifeste surtout autour de manque d’eau (à la suite des sécheresses successives et en raison d’une politique irrationnelle de construction des barrages), des feux de forêt à répétition, la pollution des rivières…

- Une vraie crise politique et un divorce presque total entre le pouvoir et le peuple iranien. Elle se traduit par un boycott actif et déclaré, non seulement par des factions ou des militants politiques et des mouvements sociaux, mais aussi une masse de personnes appartenant à différentes couches de la population laborieuse. Pour la première fois depuis des longues années, on a entendu des slogans en faveur du boycott pendant des manifestations de retraitéEs et des grèves ouvrières, malgré les menaces du pouvoir et du Guide lui-même !

Bouillonnement de luttes sociales

Le régime islamique est en très mauvaise posture. Après deux soulèvements populaires en 2016 et 2018, écrasés brutalement dans le sang, l’Iran bouillonne de luttes sociales. On a enregistré en un an 1915 mouvements, grèves, blocages de sites et d’autres actions organisées à l’échelle nationale par des ouvrierEs de l'industrie, des enseignantEs, les retraitéEs, des personnels du secteur de la santé pendant la pandémie de Covid-19. Et cela fait plusieurs années que l’Iran est secoué par les manifestations et grèves de salariéEs, de retraitéEs et de chômeurEs.

Et ces luttes paient. Les travailleurEs ont réussi à obtenir la satisfaction de leurs revendications à plusieurs reprises. Le mouvement le plus important a été la longue lutte victorieuse des travailleurEs de la sucrerie de Haft-Tapeh, qui ont obtenu l’annulation de la privatisation de leur usine par des grèves successives, tout en profitant des divisions au sein du pouvoir à ce sujet, dont l’avis favorable d'Ebrahim Raïssi.

Raïssi est conscient de la gravité de la situation et de la base sociale très étroite du régime. Il veut marcher sur deux jambes : d'un côté une poigne de fer, de l'autre quelques gestes sociaux pour négocier avec les occidentaux et sortir de la crise. Mais la tâche est impossible. La fracture entre le peuple et le pouvoir est abyssale.