Après en avoir écarté la possibilité à plusieurs reprises, la Première ministre britannique vient d’appeler à des élections législatives pour le 8 juin. Pourquoi ?
Le vote référendaire très inattendu en faveur du Brexit continue à peser lourdement sur la situation politique au Royaume-Uni. Theresa May, une eurosceptique qui a néanmoins voté contre le Brexit, se trouve confronté à une série de défis importants. La période de deux ans prévue pour négocier la sortie de l’Union européenne risque d’être très mouvementée car le Parti conservateur – et l’ensemble du pays – sont toujours très divisés. La grande majorité du patronat et la majorité des députés conservateurs étaient contre le Brexit et voient d’un mauvais œil une rupture radicale avec l’UE sous la forme d’un Brexit « dur ».
C’est pourtant ce qu’a choisi Theresa May même si cela est peut-être une posture de négociation et qu’à l’arrivée un accord de compromis pourrait être signé pour un Brexit beaucoup plus « soft »... En même temps, l’aile droite réactionnaire pro Brexit est toujours vivace et n’hésiterait pas à réagir devant les éventuelles « concessions » de May. Éviter la perspective de batailles internes féroces étalées au grand jour pendant de longs mois (jusqu’en 2020) est certainement une des raisons de la décision de May d’appeler aujourd’hui à des élections dans le délai très court de sept semaines. Augmenter sa majorité lui permettrait sans doute de mieux imposer son autorité non seulement au sein du parti conservateur mais aussi à l’extérieur.
Face au rejet du système
Le vote pour le Brexit, malgré les aspects réactionnaires et racistes de la campagne, a été en grande partie le reflet d’un rejet des élites et de l’austérité qu’elles imposent. En Écosse, c’est le Parti national écossais (SNP) qui a su capter cette colère. Enfin, cela s’est aussi traduit par l’étonnante victoire de Jeremy Corbyn lors de deux élections pour la direction du Parti travailliste.
Ce sont donc ces trois « menaces » que Theresa May espère conjurer en appelant à des élections très rapides. Après un vote majoritaire des Écossais contre le Brexit, le SNP demande un nouveau référendum sur l’indépendance afin, entre autres, de rester dans l’UE. Une grande victoire de May aux élections en juin lui donnerait plus de légitimité pour refuser un deuxième scrutin et éviter ou retarder l’explosion du royaume.
Quant au Parti travailliste, il est aujourd’hui très bas dans les sondages, à 18 points derrière les conservateurs. La majorité (très droitière) des députés travaillistes sont opposés à Corbyn et cherchent sans cesse à l’affaiblir dans l’espoir de recentrer le parti. Vu cet affaiblissement et la désorientation du Parti travailliste, il n’est guère étonnant que May ait saisi l’occasion pour lancer des élections anticipées afin d’écraser Corbyn et d’en finir, espère-t-elle, avec tout espoir de changement radical à gauche.
Quelles perspectives à gauche ?
La situation semble très peu favorable pour Corbyn, avec un parti divisé, un niveau des luttes au plus bas depuis des décennies, et seulement sept semaines pour essayer de recréer la dynamique des meetings géants de ses campagnes pour la direction du parti. Sa première réaction a été d’annoncer une campagne offensive et radicalement à gauche et de rappeler qu’au début de sa première campagne, les bookmakers donnaient ses chances à 200 contre 1... L’avenir nous réserve-t-il des surprises ?
Quant à la gauche anticapitaliste et révolutionnaire, les principales formations (SWP, Left Unity, Socialist Party) appellent à un soutien critique à Corbyn, là où en 2015 elles avaient présenté une centaine de candidatEs indépendants.
Quel que soit le résultat des élections, les débats au sein de toute la gauche – corbyniste, anticapitaliste et révolutionnaire – continueront à s’intensifier, sur les luttes à mener ensemble, sur les stratégies pour gagner… À suivre.
Ross Harrold