La campagne électorale présidentielle est engagée au Tchad. Tout est fait pour que Déby puisse l’emporter en dépit de l’aggravation des difficultés rencontrées par les populations.
Dix candidats se présentent pour l’élection présidentielle au Tchad qui se tiendra le 6 mai. Elle a lieu à l’issue d’une période de transition de trois ans qui devait au départ durer 18 mois. Cette transition issue d’un coup d’État est dirigée par Mahamat Déby qui a succédé à son père lui-même putschiste.
Neutraliser l’opposition
Bien évidemment, lors de son accession à la présidence de la transition, Déby s’était engagé à ne pas être candidat à l’élection présidentielle. Bien évidemment, ce fut une promesse non tenue. Ses trois ans de pouvoir ont été à l’image des trente ans de son père. Un mélange de répression féroce avec des dizaines de morts et des centaines d’emprisonnements lors de manifestations, et de cooptations d’opposantEs dans le gouvernement et les différentes institutions. Ainsi le principal opposant Succès Masra s’est retrouvé, de son exil, à la primature.
Parmi les dix candidats on trouve donc Déby et son actuel Premier ministre Succès Masra. Nombre de TchadienNEs soupçonnent un deal entre les deux permettant de ratisser large pour le maintien au pouvoir de cet attelage. Autre candidat l’ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacké, et d’autres dont l’unique fonction est de jouer les faire-valoir d’une élection très peu démocratique.
Préparer le terrain
En effet, toutes les mesures ont été prises pour que Déby l’emporte. Ainsi les moyens de l’État sont mis à disposition pour sa campagne électorale. L’Agence nationale de gestion des élections qui organise le scrutin, est dirigée par un membre du parti présidentiel le MPS. Le Conseil constitutionnel censé contrôler le processus électoral est présidé par Jean-Bernard Padaré, ancien porte-parole du MPS. Les candidats de l’opposition radicale sont écartés de la campagne. L’opposant le plus dangereux pour Déby, Yaya Dillo, a été assassiné en février. Déby a pris ses précautions aussi à l’international pour que sa prise de pouvoir dynastique ne soit pas condamnée. Sa rencontre avec Poutine en Russie est un signal clair à la France que ses trois emprises avec son millier de soldats ne sont pas éternelles. Un message bien reçu puisque Jean-Marie Bockel, l’envoyé spécial de Macron en Afrique pour les questions militaires, a fait part, une semaine après le meurtre de Dillo, de « l’admiration de la France pour le processus » que Déby a engagé. À cela s’ajoute la demande des autorités tchadiennes à l’attaché de défense étatsunien « d’arrêter immédiatement les activités américaines sur la base aérienne de Koseï ». Un avertissement pour les États-Unis déjà contraints de démanteler leur base de drones aux Niger.
Crise sociale et économique
Lors de la période de transition, si les droits et les libertés se sont dégradés, la situation sociale et économique des TchadienNEs a empiré également. L’augmentation de près de 40 % des carburants a provoqué une inflation sur tous les produits de première nécessité. À cela se sont ajoutés des délestages d’électricité plus fréquents et plus longs freinant l’activité économique. Excédés, les travailleurEs du secteur public dans les différentes assemblées générales ont poussé les organisations syndicales à lancer une grève générale fin février. D’autant que beaucoup se demandent où est passé l’argent du pétrole exploité par le Tchad depuis vingt ans. Au classement de l’indice de développement humain (IDH) le pays est positionné à la 187e place sur 189. À l’issue de ce conflit social qui a duré près de trois semaines, le gouvernement s’est engagé à payer les arriérés de salaires de 2023 et à augmenter l’allocation mensuelle de vie chère dans les zones reculées du pays, mais il est resté inflexible sur l’augmentation du prix des carburants.
Il n’est pas sûr que les manœuvres électorales qui se déroulent dans un climat social et politique dégradé puissent assoir la stabilité du Tchad tant souhaitée par les puissances occidentales.