Article publié dans Weekly Worker en date du 29 février 2020, traduction À l’Encontre.
Habituellement, lorsque les dictatures sont confrontées à une crise, elles abandonnent toute prétention à la « démocratie ». D’où la décision du Conseil des Gardiens de la révolution d’interdire à la majorité des députés « réformistes », ainsi qu’aux délégués et candidats conservateurs qui avaient osé critiquer le Guide suprême (même en de rares occasions), de participer aux élections du 21 février 2020. Au total, quelque 7 000 candidats ont été interdits.
Forte abstention
Cela marque la fin de toute idée selon laquelle la République islamique d’Iran est différente des dictatures dirigées par un seul dirigeant. Elle marque également la fin de l’ère de la compétition inter-islamique entre les « réformistes » et les « conservateurs » – une période qui remonte à l’élection du premier président « réformiste », l’ayatollah Mohammad Khatami, en août 1997.
Il n’est pas surprenant que le taux de participation de vendredi dernier (21 février) ait été très faible. Le gouvernement affirme que 42 % des Iraniens ayant le droit de vote l’ont fait, mais le Guide suprême Ali Khamenei a rejeté la faute sur les médias étrangers pour toute leur propagande négative sur les « maladies et les virus » – une référence aux rumeurs sur la propagation du coronavirus dans le pays au cours des deux semaines précédant les élections.
Cependant, même le chiffre de 42 % est contesté par beaucoup à l’intérieur du pays. Par exemple, le taux de participation officiel à Téhéran, où les conservateurs fidèles à Khamenei ont remporté les 30 sièges, n’est que de 25,4 %.
Dans d’autres circonscriptions du pays, les conservateurs ont obtenu des gains importants et le Parlement iranien aura probablement des divergences avec le président actuel, Hassan Rohani, et son ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif.
Les spéculations sont nombreuses sur les raisons pour lesquelles le Guide suprême [Ali Khamenei] a décidé de se tourner vers un parlement complètement conservateur. Certains affirment que, suite aux manifestations nationales qui ont suivi l’assassinat du général Qassem Soleimani le 3 janvier 2020, il est arrivé à la conclusion qu’il n’avait plus besoin de tolérer les « réformistes » – en temps de crise, est nécessaire un parlement qui soit pleinement conforme à ses souhaits.
Faire face à Trump
Mais on peut douter que cela ait été un facteur important. Il est clair que le régime iranien pense désormais que Donald Trump sera probablement au pouvoir pendant encore cinq ans et qu’il continuera à exercer une pression maximale, que ce soit sous la forme de sanctions économiques, de soutien aux groupes favorables au « changement de régime » ou sous celle d’une menace ponctuelle d’action militaire. Dans ces circonstances, le Guide suprême et ses alliés estiment qu’un gouvernement de type militaire sera mieux à même de faire face aux menaces extérieures. En dépit de rumeurs régulières, Hassan Rohani ne démissionne pas encore. Cependant, il est clair que ni lui ni son ministre des Affaires étrangères ne pourront soulever la question des négociations avec l’Union européenne ou les États-Unis avec un parlement dominé par les conservateurs.
Bien sûr, il faut se rappeler que le groupe conservateur a ses propres divisions et, maintenant que les « réformistes » ne sont plus une force avec laquelle il faut compter, on entendra davantage parler des différences dans leurs propres rangs. Certains conservateurs ont critiqué Ali Khamenei pour ses déclarations publiques contre la bombe nucléaire, par exemple. Bien qu’ils ne défient pas ouvertement le chef suprême, ils sont d’avis que l’Iran aurait dû développer une bombe nucléaire comme moyen de dissuasion contre d’éventuelles attaques américaines.