Le samedi 24 mars plus d'un million de personnes ont manifesté à Washington, la capitale fédérale des États-Unis, et dans d'autres grandes villes du pays, pour s'opposer à la violence par armes à feu.
Cette manifestation fait suite à un premier rassemblement d'un million de lycéenEs le 14 mars pour les mêmes revendications. Ces deux rassemblements ont été organisés par les élèves survivants de la tragédie de Parkland où 17 lycéenEs ont péri sous les tirs d'un ancien élève.
Une mobilisation multiforme
Les revendications des manifestantEs – pour la plupart des jeunes – étaient assez hétérogènes, en fonction des réalités locales et du niveau d'organisation. Les propositions de Trump, notamment celle d'armer les enseignantEs afin d'éviter les massacres dans les écoles, ont rencontré une vive opposition. Cependant, dans la palette des revendications présentes, certains mettent en avant des idées qui flirtent avec la droite, comme l'idée d'augmenter le nombre de policiers présents dans les écoles alors que depuis 20 ans, des dizaines de milliers de policiers ont été stationnés dans les établissements scolaires sans qu'aucune tuerie ne soit empêchée. Au contraire, ces policiers se sont livrés à de nombreux actes de brutalité d'une violence inouïe contre les lycéens, notamment ceux issus des minorités, comme le témoignent périodiquement des vidéos sur Youtube.
Trois revendications semblent avoir l'assentiment d'une majorité des manifestantEs : interdire les armes d'assaut comme l'AR-15 et limiter la capacité de chargement des armes ; être soumis à davantage de tests et recherches d'antécédents juridiques pour acheter une arme ; dénoncer le financement des campagnes électorales par la National Rifle Association, le lobby des armes, qui assure à ce dernier que les politiciens aux ordres s'assurent qu'aucune mesure ne soit prise pour contrôler les armes à feu. Mais dans certains endroits, comme le South Side de Chicago, quartier noir et pauvre, d'autres types de revendications sont mises en avant. La question des armes à feu ne se limite pas à l'école, mais s'y étend aux brutalités policières et à la violence des gangs. Les manifestantEs ont souligné les baisses de financement de l'éducation et des services publics dans ce quartier.
La question des armes est-elle soluble dans le Parti démocrate ?
La gauche a une position ambivalente concernant cette mobilisation. Historiquement, la question du contrôle des armes à feu n'est en effet mise sur le devant de la scène qu'à des moments bien particuliers, des moments où la population se sert de ces mêmes armes pour se défendre comme au moment des droits civiques et du Black Power : l'objectif de la loi est dès lors de désarmer la population. Cependant, ce n'est pas le cas ici : le mouvement social est bien trop faible pour se poser la question de son armement.
Qui plus est, présenter le mouvement comme étant uniquement un appendice des classes dirigeantes et du Parti démocrate est faux. Il y a évidemment une volonté des Démocrates de limiter la mobilisation à un happening anti-Trump, alors que celle-ci a la potentialité de remettre en cause la violence présente dans l’ensemble de la société. Mais les raisons de la colère sont plus profondes qu'un simple rejet de Trump. Ce serait une grossière erreur de ne pas puiser dans cette colère populaire pour faire avancer d'autres idées. De plus, ces manifestations ont vu émerger une nouvelle génération militante : des jeunes, parfois âgés d'à peine 11 ans, ont pris part aux mobilisations. En organisant des débrayages, ils ont défié les administrations scolaires qui ne savaient pas sur quel pied danser, et se sont exposés aux sanctions. Ils ont mis en forme leurs idées et revendications. Ainsi, malgré les tentatives des Démocrates de canaliser le mouvement, la place des révolutionnaires était bien dans la rue.
Stan Miller