La semaine dernière, l’attention s’est concentrée sur deux Américains décédés, deux hommes qui ne pouvaient être plus différents, deux hommes qui semblent incarner la division politique, culturelle et morale du pays.
L’un est John Lewis, leader afro-américain des droits civiques et parlementaire décédé il y a cinq ans. L’autre est Jeffrey Epstein, riche mondain et pédophile condamné qui fournissait à des hommes d’affaires et des politiciens de haut rang l’accès à des filles mineures.
John Lewis
Le 17 juillet, des dizaines de milliers de personnes ont participé à la manifestation « Good Trouble Lives » contre le président Donald Trump, organisée dans 1 600 villes à travers le pays. John Lewis a été président du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC, l’une des principales organisations du mouvement afro-américain des droits civiques dans les années 1960). Il a été élu pour la première fois à la Chambre des représentants en 1986 sous la bannière démocrate, où il a effectué 17 mandats de deux ans. C’est lui qui a déclaré qu’il était nécessaire de s’engager dans des « troubles positifs, des troubles nécessaires » pour apporter le changement. En tant que jeune militant luttant pour les droits civiques, il a été violemment battu et emprisonné à plusieurs reprises pour avoir participé à des actions de désobéissance civile non violente contre les lois racistes injustes du Sud.
En plein été, ces manifestations n’ont pas été aussi importantes que la manifestation « No Kings » contre Trump le 14 juin, la plus grande manifestation d’une seule journée dans l’histoire des États-Unis, mais elles ont été animées et significatives, avec des chants pour les droits civiques tels que « Ain’t Going to Let Nobody Turn Me Around » et des discours appelant les Américains à défendre les droits de tous. Dans des villes comme New York, Chicago et Atlanta, des milliers de personnes ont défilé, tandis que dans les petites villes, elles n’étaient que quelques centaines, mais toutes les manifestations étaient un appel à revenir à la stratégie de confrontation utilisée par les mouvements de masse des années 1960 et 1970 qui luttaient pour les droits civiques, contre la guerre des États-Unis au Vietnam et pour la libération des femmes.
Jeffrey Epstein
Au moment même où la mémoire de Lewis inspirait les Américains progressistes, le mouvement Make America Great Again (MAGA) de Trump était déchiré par le souvenir du financier Epstein, qui s’est suicidé il y a six ans. Epstein et son associée Ghislaine Maxwell se procuraient des jeunes femmes pour lui-même et ses amis. En 2008, Epstein a été condamné pour avoir procuré une enfant à des fins de prostitution et il a été à nouveau inculpé en 2019 pour trafic sexuel de mineurEs. Alors qu’il était en prison en attente de son procès, les autorités ont déclaré qu’il s’était suicidé, mais certains pensent qu’il a été assassiné.
En 2016, Q, l’oracle anonyme du mouvement conspirationniste QAnon, a affirmé que les dirigeants du Parti démocrate, l’« État profond » et les « élites mondiales » dirigeaient un réseau pédophile satanique qui préparait des enfants à l’exploitation sexuelle. Des millions de personnes y ont cru. Lorsque Epstein est apparu sur la scène, un homme qui comptait parmi ses amis le prince Andrew et l’ancien président du Parti démocrate Bill Clinton, les affirmations de Q semblaient se confirmer. En 2022, Donald Trump, cherchant à obtenir le soutien de la secte Q, a publié une photo de lui portant un pin’s avec le logo Q et le slogan « La tempête arrive ». Les adeptes de Q ont cru que Trump menait une guerre invisible du bien contre le mal contre les pédophiles.
Trump et le soupçon
Lorsque Trump est devenu président, ses partisans du mouvement MAGA ont cru qu’ils allaient enfin voir les dossiers Epstein, y compris la liste de ses clients. Mais non, la ministre de la Justice, Pam Bondi, a finalement déclaré que les dossiers Epstein ne contenaient rien d’intéressant et qu’il n’y avait pas de liste de clients. La base du MAGA s’est mise en colère. Trump a traité les mécontents de « stupides » et d’« idiots » et a suggéré qu’ils étaient induits en erreur par des « gauchistes lunatiques ». Et il a continué à tergiverser en disant qu’il ne divulguerait qu’une partie des dossiers. Tout le monde se demande si Trump, qui était depuis des années un ami proche d’Epstein et voyageait dans son avion privé, figurait sur la liste.
Le pays est profondément divisé. Une partie, inspirée par l’idéalisme de John Lewis, veut organiser la résistance (même si la direction du Parti démocrate ne fait presque rien en ce sens). Une autre partie importante est absorbée par des théories du complot sur les crimes des ultra-riches mais cette partie pourrait être sur le point de s’écrouler. Nous verrons bien.
Dan La Botz, traduction Henri Wilno