À l’heure où ces lignes sont publiées, plus de 200 Palestiniens de Gaza sont morts sous les bombes israéliennes depuis le début de l’attaque initiée le 8 juillet, dont plus d’un quart d’enfants.
En outre, on dénombre au moins 1 400 blessés, et plusieurs centaines de bâtiments, en majorité des maisons d’habitation, ont été détruits ou gravement endommagés.
Un air de déjà vuCette nouvelle attaque contre la petite bande de Gaza (1,7 million d’habitants entassés dans 360 km2) ressemble à s’y méprendre à la précédente offensive d’ampleur, conduite en novembre 2012 : mêmes prétextes, même rhétorique, même mode opératoire, même type de bilan. À l’époque déjà, Israël affirmait intervenir dans le seul but de « protéger » ses habitants des tirs de roquettes. Or, avant le début de l’offensive de 2012, aucun Israélien n’avait été tué par une roquette depuis plus d’un an. L’histoire se répète : Gaza est actuellement sous le feu des bombes alors que la dernière fois qu’un Israélien est mort en raison d’un tir de roquette remonte à… novembre 2012, lors de la précédente opération israélienne.Il ne s’agit pas de rentrer dans des décomptes macabres, mais de rappeler certains faits : depuis 7 années que le Hamas a pris le contrôle de Gaza, 17 Israéliens ont été tués, dont 10 pendant les opérations « Plomb durci » (hiver 2008-2009) et « Pilier de défense » (novembre 2012). En d’autres termes, plus de la moitié des victimes des tirs de roquettes ont été tuées pendant les opérations israéliennes, et le chiffre de 17 doit être rapporté à celui de plus de 2 000, le nombre de Gazaouis tués durant la même période…Un déséquilibre à l’image de la réalité des rapports de forces militaires, qui rend d’autant plus scandaleux les discours sur les « menaces » et les « violences » dont serait victime un État d’Israël qui ne ferait que « se défendre ».
Des objectifs peu avouablesCette offensive poursuit en réalité des buts n’ayant rien à voir avec les tirs de roquettes. Il s’agit en premier lieu pour Netanyahou d’une opération de politique intérieure. À la tête d’une coalition regroupant la droite, l’extrême droite et les colons, Netanyahou a choisi, une fois de plus, la brutalité pour satisfaire des partenaires et un électorat qui se rejoignent dans leur haine des Palestiniens. Après la découverte des corps des 3 jeunes Israéliens disparus à proximité d’une colonie de Cisjordanie et la multiplication des exactions contre les Palestiniens, Netanyahou a choisi de répondre aux appels à la haine en allant frapper la population de Gaza, à qui il est pourtant totalement fantaisiste d’attribuer la mort des 3 Israéliens…L’opération vise en deuxième lieu à détourner l’attention internationale qui, au cours des dernières semaines, s’était concentrée sur la Cisjordanie, Jérusalem et Israël, avec la multiplication des appels à la haine et à la vengeance, et les passages à l’acte : de l’horrible mort du jeune Mohammed Abou Khdeir au passage à tabac, par la police, de son cousin Tareq, en passant par les ratonnades menées par les colons, les dizaines d’actes criminels perpétrés ces derniers jours ont en effet montré, à qui refusait de le voir, le vrai visage de la violence et du racisme de l’État d’Israël, dont la responsabilité première incombe aux dirigeants israéliens eux-mêmes.
Redorer l’image d’Israël ?L’opération poursuit, enfin, l’objectif de dénoncer le Hamas comme « organisation terroriste ». En effet, depuis novembre 2012, le Hamas respectait une trêve en ce qui concerne les tirs de roquettes. Durant les semaines qui ont suivi la disparition le 12 juin des 3 jeunes Israéliens, Israël s’en est pris au Hamas en Cisjordanie, sans qu’il y ait de réaction militaire de celui-ci. Quelques jours après la découverte des 3 corps, un drone israélien abattait le 7 juillet 7 membres du Hamas à Gaza. C’est après ces assassinats que le Hamas, considérant que la trêve avait été rompue par Israël, s’est remis à tirer des roquettes. L’opération israélienne en cours a officiellement débuté le 8 juillet…Israël espère ainsi pousser le Hamas à la faute, à renforcer son isolement international, et à faire voler en éclat le fragile accord de « réconciliation » récemment signé entre le Hamas et l’OLP. Il s’agit une fois de plus d’avoir recours à la force brute pour affaiblir et délégitimer les Palestiniens sur la scène internationale, et de redorer l’image d’un État d’Israël de plus en plus touché par le développement de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), qu’il convient, plus que jamais, d’amplifier pour affaiblir la puissance coloniale.
Julien Salingue