Si Theresa May espérait que la visite de Donald Trump lui donnerait un répit dans le cadre de la crise du Brexit, cela n’a pas été le cas. Bien au contraire.
La crise dans le Parti conservateur s’approfondit depuis le résultat surprise du référendum de 2017 (52 % pour le Brexit et 48 % contre). Depuis, les partisans d’un Brexit « dur » (Boris Johnson, David Davis et William Rees-Mogg), c’est-à-dire sans accord du tout avec l’Union européenne, se sont retrouvés en position de force. Mais un Brexit dur effraye l’industrie et la finance britanniques : près de 40 % du commerce se fait vers l’UE. Un Brexit dur réintroduirait en outre une frontière physique en Irlande, ce qui créerait une crise politique de plus.
Impossible équilibre
En annonçant qu’elle respecterait la décision du référendum, Theresa May doit tenir un impossible équilibre : sortir de l’UE, mais avec des accords commerciaux pour satisfaire les besoins de l’industrie britannique. Pour la droite des Tories, qui sont pour le Brexit dur, tout accord commercial avec l’UE implique être dans la zone douanière et être soumis a la juridiction de la Cour européenne de justice, ce qui leur est tout a fait inacceptable.
Après une réunion de crise tenue le 6 juillet, David Davis, ministre pour le Brexit, a démissionné, suivi 24 heures plus tard par Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères. Ils accusent Theresa May de proposer un Brexit « soft », c’est-à-dire de rester d’une manière détournée dans l’UE.
Dès le 5 juillet, Trump avait jeté de l’huile sur le feu avec une interview dans le Sun, dans laquelle il assure qu’il n’y aura pas d’accord commercial avec le Royaume-Uni en cas de Brexit « soft », et que Boris Johnson ferait un très bon Premier ministre ! Trump encourage ainsi la droite des Tories, ainsi que l’extrême droite du Brexit, a monter au créneau pour forcer Theresa May à abandonner un Brexit soft et poursuivre un Brexit dur. Mais tout accord de Brexit – dur ou soft – devrait être soumis a un vote du Parlement, ce que May veut éviter, et aussi à un vote populaire. Il est clair que la crise des Tories s’approfondit de jour en jour et que May pourrait perdre un vote de confiance dans le Parlement et déclencher des élections générales anticipées.
Une fracture profonde
La visite de Trump a montré la profondeur de la fracture dans le pays. Vendredi 13 juillet, 250 000 personnes ont manifesté dans les rues de Londres contre sa visite. Les manifestantEs protestaient contre sa politique raciste et nationaliste, c’est-à-dire la même politique qui anime la droite des Tories et ceux qui veulent un Brexit dur. La manifestantEs ont écouté Jeremy Corbyn, qui a déclaré vouloir un monde qui n’est pas divisé par le racisme, la misogynie et la haine. Dans la crise du Brexit, Corbyn et le Labour s’opposent à toute solution proposée par les Tories. Ils acceptent le résultat du référendum, mais proposent un Brexit très soft, avec des garanties sur l’emploi et les conditions de travail, et s’opposent à toute dérégulation. Le Labour recule néanmoins sur la liberté de mouvement des citoyens de l’UE. La gauche du Labour s’oppose à ce recul.
Deux ans après, il est clair que le vote pour le Brexit a ouvert la porte à une droite nationaliste, xénophobe et raciste. Les attaques racistes sont en augmentation, ainsi que les reconduites à la frontière de travailleurs n’ayant pas les permis corrects. Mais le plus inquiétant est que les néo-nazis sont redescendus dans la rue, avec plus de 10 000 manifestants a Londres il y un mois.
Le vote pour le Brexit a aussi ouvert une crise pour la bourgeoisie puisque les Tories ne sont plus un instrument politique fiable qui représente ses intérêts. Dans ce contexte de tourmente politique, la gauche doit s’opposer vigoureusement au Brexit dur des Tories et construire un front commun contre l’austérité, l’extrême droite et le racisme.
Frédéric Leplat