Le 5 décembre, Kostas Frangoulis, un Rom de 16 ans, a reçu 2 balles dans la tête tirées par un policier qui le poursuivait à moto. Son double crime ? Être parti d’une station-service de Thessalonique sans payer les 20 euros d’essence et conduire sans permis…
Après ce véritable réflexe anti-Roms du policier (qui ose parler de « bavure » ?), les Roms de Grèce ont été très nombreux à sortir dans les rues, face aux flics qui n’ont d’ailleurs pas hésité à s’en prendre violemment au père de la victime. Ces réactions de révolte sont à la mesure de la situation faite aux Roms du pays, traitéEs en citoyenEs de 5e catégorie : parquéEs dans des lotissements loin des centre-villes, vivant sans ressources et souvent sans accès à l’éducation, victimes des contrôles au faciès. Ils sont abandonnés dans une misère contre laquelle les travailleurEs sociaux et des associations luttent souvent en vain, aucun véritable moyen n’étant donné par le pouvoir pour aider les Roms à sortir de la pauvreté et de l’injustice. La réaction du pouvoir après le drame a d’ailleurs été d’envoyer la police fouiller les lotissements roms à travers le pays, donnant un nouveau feu vert au racisme anti-Roms de la police, avec les encouragements des médias aux ordres… La colère de représentantEs d’associations de Roms s’exprime tout simplement avec ce qui est devenu un mot d’ordre pour tous les Roms : Justice !
La grande peur du pouvoir
Dès le crime commis, le pouvoir a tout fait pour neutraliser l’information. Car il s’ajoute à une longue liste de crimes policiers que la jeunesse dénonce à travers le célèbre slogan : « Flics, cochons, assassins ! » Pour les dernières années : police accusée d’être impliquée dans les coups mortels portés au militant LGBTQI Zak Kostopoulos (2018), le jeune militant Vassilis Mangos tué sous les coups de la police à Volos (2020) après une manif contre les déchets de Lafarge-Aget, le jeune Rom Nikos Sambanis tué en banlieue d’Athènes de 36 balles tirées par 7 policiers (octobre 2021). Et d’autres encore… Sans oublier le meurtre du jeune Alexis Grigoropoulos le 6 décembre 2008, qui avait débouché sur des semaines d’une immense révolte, et qui a créé dans la bourgeoisie grecque un traumatisme durable du risque d’une insurrection de la jeunesse. Sa préoccupation depuis cette date, commémorée tous les ans par de grosses manifs en Grèce, est d’empêcher qu’une mobilisation durable et plus forte encore ne naisse de ces commémorations dynamiques. Et son seul moyen, c’est la répression, de plus en plus forte chaque année.
Une mobilisation durable
Après les manifs spontanées du 5 décembre, celles du 6 ont été cette année extrêmement massives et déterminées, avec un soutien très fort exprimé aux Roms… et la police partout, et son ministre (ancien du KKE, PC grec) accusant la gauche d’exploiter « une telle sorte d’événement ». Venant après les mobilisations très fortes du 9 novembre (grève générale) et du 17 novembre, elle traduit une colère et une détermination (face aux lacrymos et autres cadeaux policiers) croissantes.
Mardi 13, Frangoulis est mort des suites des blessures infligées. Le soir même, de nombreuses manifs ont eu lieu dans le pays, la police essayant de l’empêcher violemment à Athènes, en vain. Le pouvoir est donc engagé dans une inquiétante fuite en avant, Mitsotakis annonçant le 5 après le crime une prime de 600 euros pour tous les policiers, prime qui a été approuvée par Syriza et le KKE…
Jeudi 15, une grosse grève de l’Éducation nationale a vu sa manif athénienne attaquée par la police, preuve d’une répression dans tous les secteurs. Il faut dire que dans les slogans, on pouvait entendre : « Ce n’était pas un accident, c’est un crime d’État », ou « 600 euros pour les assassins, et des clous pour les enseignantEs » ! La jonction des luttes des jeunes, des travailleurEs, des marginaliséEs, voilà une perspective riche d’avenir.
A Athènes, le 18 décembre 2022