Maintenant que la Troïka est sanctionnée, la gauche radicale doit confirmer sa poussée !La seule chose sûre avant les élections législatives du 6 mai, c’est que le jeu politique traditionnel d’alternance ou d’alliance entre la Nouvelle Démocratie (ND, droite) et le Pasok allait en prendre plein les dents, tant est grande la colère contre les partis au pouvoir pour imposer les ordres du FMI et de l’UE et donc détruire l’emploi et les acquis sociaux. Il se disait même que Syriza, la coalition regroupant le Synaspismos (réformiste antilibéral) et quelques groupes de la gauche révolutionnaire, allait passer de la 5e à la 3e place. Contre l’évidence, la ND avait construit toute sa campagne sur le fait qu’ils auraient une majorité suffisante pour former un gouvernement, et le Pasok pour sauver les meubles lui proposait de reconduire un gouvernement d’union nationale. Les résultats sont en fait à la hauteur de la colère, ils bouleversent les scénarios espérés par la Troïka, qui a essayé jusqu’au bout d’effrayer la population en refaisant son chantage à l’aide conditionnée à un « bon » vote. On peut déjà ce lundi essayer d’en tirer trois leçons.Une baffe pour Les partis du mémorandumLa ND, même si elle arrive en tête, est très loin du seuil minimum espéré. Elle passe de 33,5 % en 2009 à 18,9 %, perdant environ 1,1 million de voix. Son chef Antonis Samaras a immédiatement laissé entendre qu’il ne serait pas opposé à un gouvernement d’alliance ! Mais le grand perdant est le Pasok : il espérait sur la foi des sondages talonner la droite, mais il passe de 43,9 % à 13,2, perdant environ… 2,2 millions de voix. C’est un véritable séisme pour ce parti qui a été le plus gros parti de masse depuis 30 ans en Grèce, dont les dirigeants ces deux dernières années se sont conduits comme les pires des flics ou des patrons, et dont la campagne a porté en grande partie contre les immigrés, accusés de tous les maux du pays, avec bien sûr les résultats classiques de racisme galopant et de montée de l’extrême droite. Il est trop tôt pour deviner les conséquences pour le Pasok, devenu le 3e parti et passant de 160 à 41 députés, mais il y aura à coup sûr des effets dans les syndicats à majorité Pasok. N’oublions pas de mentionner le parti d’extrême droite Laos, que le Pasok avait convaincu de participer à son gouvernement d’union nationale : il passe de 5,6 % à 2,9 % et perd ses15 députés. 37 % à gauche du Pasok Le score est impressionnant : si on additionne tous les groupes à gauche du Pasok (on peut en recenser 11...), on arrive à ce chiffre, qui indique le rapport de forces potentiel. Renforcement pour tous ces groupes tous identifiés comme opposés au mémorandum du FMI et de l’UE et pour des solutions socialistes à divers degrés. Le plus impressionnant est Syriza, devenant le 2e parti (et premier dans la région d’Athènes) : le regroupement antilibéral a fait une campagne qu’on peut comparer pour aller vite à celle du Front de Gauche, avec qui il a d’étroits rapports, et il passe de 4,6 % à 16,8 %, gagnant 700 000 voix et passant de 13 à 52 députés ! Le très sectaire KKE (PC) passe quant à lui de 7,5 à 8,5 %, gagnant 15 000 voix. Le regroupement anticapitaliste Antarsya passe de 0,4 à 1,2 %, gagnant 50 000 voix après une campagne très combative. À partir de là, les questions sont nombreuses : quelle politique va suivre Syriza, dont le programme vis-à-vis de la dette est mi-chèvre mi-chou ? Quelle conséquence dans le KKE, dont des militants pourraient officialiser leur désaccord avec la ligne d’isolement ? Quelle forme d’unité possible dans une période d’extrême instabilité (probable impossibilité de former un gouvernement).Montée des néonazisC’est la nouvelle inquiétante de la soirée : à côté du succès d’un groupe de droite (10 % pour une sorte de Dupont-Aignan), le groupuscule Chryssi Avgi (Aube dorée), dont on a déjà mentionné ici les méthodes de tueurs, a réussi, porté par le climat raciste encouragé par le gouvernement, non seulement à entrer au Parlement, mais à obtenir presque 7 % des voix. Son discours antimémorandum l’a identifié pour certains à une composante des Indignés (ils tentaient d’occuper une place dans le mouvement), mais il a surtout percé avec la réputation d’un groupe anti-immigrés aux méthodes efficaces mais « gentilles », au service des petits bourgeois apeurés. Les premières images de leur Führer éructant hier contre les journalistes devraient aider à dégonfler cette baudruche, mais cela ne suffira pas : des initiatives antifascistes larges et unitaires sont désormais urgentes, et le rapport de forces permet de les réaliser immédiatement.Derniers chiffres : en dehors de l’abstention (35 %, en hausse de 5 %), il faut signaler que le système électoral prive 20 % des suffrages de se voir représentés : avec son score, Antarsya devrait avoir au moins trois députés, et les écologistes, avec 2,9 %, manquent de peu le seuil de 3 %. La question de la démocratie va se poser sous différentes formes dans les jours qui viennent.
Andreas Sartzekis, Athènes, le 7 mai