Lundi 22 mai, un attentat-suicide à Manchester en Angleterre faisait 22 mortEs et plusieurs dizaines de blesséEs, surtout des enfants et adolescents, à la sortie d’un concert de pop. Vendredi 26 mai, au moins 29 villageois ont été assassinés en Égypte dans l’attaque d’un bus transportant des pèlerins coptes...
L’organisation État islamique (EI) a revendiqué la responsabilité de ces deux actes atroces. Pourtant, chacun à leur manière, les deux États concernés avaient pourtant réorganisé les pouvoirs publics pour mener la « guerre contre le terrorisme ». Pour quel résultat ?
La lutte contre le terrorisme comme justification
Après l’attentat de Westminster en mars, les autorités britanniques avaient renforcé encore leur niveau d’alerte, affirmant depuis plusieurs années déjà que des attentats se préparaient dans leur pays. À la suite des attentats de 2001 et du « Patriot act » de Bush aux USA, puis en Europe, les législations « antiterroristes » ont été multipliées au détriment d’une société respectueuse des droits et libertés. La stigmatisation des étrangers en globalité, accusés de détruire les emplois et d’être des terroristes en puissance, a récemment été un des ressorts du Brexit. Il semble que l’auteur de l’attentat à la bombe de Manchester soit un jeune citoyen d’origine libyenne né en Angleterre, dont la dérive vers la mortifère idéologie de l’État islamique devenait de plus en plus visible.
Comme dans plusieurs attentats revendiqués par l’EI, en France notamment, les mesures préconisées par les tenants de l’ordre sécuritaire n’ont rien empêché... Mais elles sont très efficaces pour restreindre les libertés et droits individuels, autoriser la multiplication du harcèlement policier et administratif des étrangerEs ou des descendants de familles d’Afrique et d’Asie, permettre l’occupation par l’armée de la plupart des lieux publics… Dans une société en crise, de plus en plus brutale et injuste, à l’image d’un système économique violent et profondément inégalitaire, le développement social et de réelles mesures d’égalité ne sont pas à l’ordre du jour !
Cette spirale militaire qui nourrit la haine
Parallèlement à ces mesures intérieures, il faut rappeler les ravages produits par les politiques étrangères de plus en plus agressives des grandes puissances, dont la Grande-Bretagne. Avec la mise en œuvre toujours plus développée de la concurrence économique exacerbée en partie, cela sous couvert bien entendu de coopération, ce sont le pillage des richesses et la destruction des tissus sociaux qui sont organisés.
L’engagement dans les interventions militaires au Moyen-Orient, censées cibler les terroristes mais qui tuent des milliers de civils, ne règle aucun problème de développement démocratique. En revanche, il justifie l’augmentation des budgets militaires, les ventes d’armes aux dictateurs et notamment la défense de la politique israélienne contre les droits des Palestiniens.
Et les nouveaux aventuriers sanguinaires du pouvoir absolutiste, organisations se parant du fondamentalisme religieux comme l’EI, ont beau jeu de lier ces politiques pour introduire leur idéologie de haine des femmes, des homosexuels, et dénoncer les libertés individuelles, les droits et toute démocratie comme des pièges de « l’Occident »...
Ils font tous la guerre aux peuples
La situation en Égypte est une variante éclairante du puits sans fond qu’est cette prétendue « guerre contre le terrorisme ». Le président Sissi a reconstruit un pouvoir encore plus dictatorial et brutal que celui de Moubarak – qu’il a par ailleurs innocenté – en réprimant avec sauvagerie tous ses opposantEs, démocrates comme islamistes. Il a étouffé toutes les libertés, en promettant la paix sociale et la sécurité, en particulier pour les Coptes. Aujourd’hui son économie est exsangue, sa dépendance vis-à-vis de l’Arabie saoudite totale, et les Coptes ainsi que de nombreux habitantEs sont plus menacés que jamais !
À l’heure où le nouveau président français multiplie les coups de menton sécuritaires, annonce de nouvelles opérations militaires et une nouvelle prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 10 octobre (le temps probablement de promulguer une Xe loi d’exception baptisée d’« antiterroriste »...), il faut rappeler que si elles sont largement inefficaces pour juguler le terrorisme, toutes ces mesures servent parfaitement l’objectif « ordolibéral » d’utiliser ces outils pour étouffer la contestation sociale et politique selon les intérêts des groupes capitalistes.
Au final, les terroristes et les pouvoirs qui proclament leur faire la guerre entretiennent leur légitimité mutuelle... sur le dos des peuples.
Jacques Babel