Publié le Samedi 20 septembre 2025 à 09h00.

Guerre des drones ou guerre des nerfs

Poutine multiplie les incursions et les menaces tout en intensifiant ses attaques contre l’Ukraine. L’utilisation des drones « low cost », marquée par de rapides innovations, tire son origine de la résistance populaire ukrainienne. Elle constitue aujourd’hui également un élément central de l’économie de guerre russe.

Poutine redouble les manifestations de sa capacité de nuisance pour arriver en position de force dans d’éventuelles négociations. Si Moscou n’a sans doute ni l’objectif ni les moyens militaires de déclencher une guerre contre un autre pays, la Russie multiplie les incursions et menaces — Pologne, Roumanie, États baltes étant les premières cibles — et la ­rhétorique guerrière commence à cibler la Finlande. 

Outre les « exercices » menés avec la Biélorussie, déployant officiellement 13 000 hommes (30 000 selon la Lituanie) dans l’opération Zapad (Ouest) 2025, les essaims de drones sur la Pologne ou le viol de l’espace aérien de la Roumanie visent à tester les réactions et à cacher l’essentiel : les attaques quotidiennes meurtrières contre l’Ukraine. En août, les forces russes ont tué au moins 208 civilEs en Ukraine et en ont blessé 827 autres. Et dans la nuit du 12 septembre, l’armée russe a lancé 164 drones de combat et un missile balistique Iskander-M/Kn-23 contre l’Ukraine. 

Avec les drones, la guerre à moindre coût

La résistance à l’invasion dirigée par Poutine a initié une nouvelle guerre du 21e siècle : la guerre des drones. Née de l’inventivité populaire ukrainienne, « low cost », elle s’est rapidement inscrite dans l’économie de guerre déployée par le pays agressé. La puissance militaire russe s’y est depuis adaptée, avec une tout autre échelle de moyens, tandis que l’OTAN montre de grandes difficultés à y faire face.

Des systèmes antidrones permettent de protéger des infrastructures. Mais si l’attaque concerne une frontière entière, les alliéEs sont aujourd’hui contraintEs de s’en remettre à leurs avions de chasse avec des missiles embarqués, comme ce fut le cas en Pologne, ce qui est coûteux. 

S’adapter aux évolutions

Les états-majors occidentaux pourraient avoir recours à des solutions plus rudimentaires mais innovantes, déployées aujourd’hui en Ukraine. Baptisées Sky Fortress ou Zvook (« son », en ukrainien), elles reposent sur le déploiement de milliers de capteurs acoustiques sur de vastes étendues de territoire, capables de détecter le bruit émis par les drones. Le coût unitaire de ces antennes ne dépasse pas quelques centaines de dollars, selon les UkrainienNEs. L’ensemble du réseau coûterait ainsi à peine plus cher qu’un seul missile Patriot (soit 3,4 millions d’euros, pour la version la plus récente). L’Ukraine fabrique aussi des drones intercepteurs chargés d’entrer en collision ou d’exploser à proximité des drones ciblés. L’UE investit sur un projet industriel de « mur de drones » dans cet esprit. 

Mais ces technologies évoluent à une vitesse inédite — on parle de mois ou de semaines, alors qu’il faut des décennies pour construire un chasseur performant. Mais surtout, les UkrainienNEs savent que leurs alliés ne sont pas  prêts à faire la chasse aux drones avec de grosses mitrailleuses montées sur des camions comme le font leurs soldatEs au coeur de leur lutte de libération nationale.

Catherine Samary