Publié le Mercredi 13 janvier 2021 à 11h30.

Guyane : répression coloniale sous prétexte de Covid

Le week-end dernier, la Guyane a été le théâtre d’une démonstration de force à l’ancienne des forces de répression coloniales. Récit.

En préambule, il faut savoir que la Guyane est sous couvre-feu depuis le mois de mars. Jamais le couvre-feu n’a été retiré, même quand l’état d’urgence sanitaire a été suspendu. Ce couvre-feu n’a jamais empêché l’arrivée d’une première vague, puis d’une seconde vague de l’épidémie de coronavirus. Actuellement, la Guyane est, de nouveau, le territoire français où l’épidémie est la plus active. Au total, selon différentes études sérologiques, entre 20 et 30% de la population ont été contaminés par le virus. Cela fait de la Guyane le territoire français le plus contaminé, et de très loin.

La répression contre le carnaval

Le couvre-feu était déjà fixé à 21h depuis le 20 décembre et les vacances. Samedi, il a été décidé de le renforcer en l’avançant à 19h. Ce couvre-feu pèse sur la population. Une population d’autant plus mécontente que, depuis vendredi soir, on aurait dû rentrer dans la période carnavalesque.

Le carnaval de Guyane est un moment important pour toute la société guyanaise. Le moment où tout le monde se retrouve, où il y a une décompression importante ; la Guyane est en fête et on se détend. Le carnaval dure de 1 mois et demi à 3 mois, il commence à l’Épiphanie et il finit au jour gras et cela en fait le carnaval le plus long du monde.

Parallèlement, on a changé de préfet. L’ancien préfet a été « débarqué » du jour au lendemain. Le nouveau préfet arrive de Wallis-et-Futuna. Sans jamais s’être adressé à la population, la première mesure qu’il a prise est l’interdiction du carnaval. Les GuyanaisEs considèrent qu’on aurait pu aménager les choses, dans le respect des gestes barrières, mais c’est l’interdiction.

Les chiens sont lâchés 

Et donc, samedi soir, des gens ont commencé à protester, une manifestation s’est organisée et la police s’est déployée. Parmi les forces de répression, fait inédit en Guyane, il y avait des membres de brigades cynophiles. Rappelons que, dans les colonies post-esclavagistes, l’usage du chien est normalement totalement prohibé. En effet, les maîtres chassaient les esclaves en fuite avec des chiens et régulièrement on donnait des esclaves ou des bébés esclaves à manger aux chiens. Il y a donc un rapport avec les chiens qui est extrêmement délicat et les forces de répression n’en utilisent jamais.

Là, non seulement des chiens ont été utilisés mais aussi lâchés sur les gens, ce qui est complètement impensable.

Le lendemain, une petite parade carnavalesque s’est improvisée alors que le carnaval est interdit. Une trentaine de personnes défilent dans les rues au son de la musique du carnaval, bon enfant. Les forces de l’ordre font face : sommation de dispersion, usage de gaz lacrymogènes et, encore une fois, usage de chiens, ce qui reste complètement incompréhensible.

Tous les élus politiques, même ceux de droite, se sont indignés de l’attitude des forces de répression, sous le commandement du nouveau préfet. C’est un vrai scandale qui vient de naître.

Aucune protection, juste la répression

Il faut savoir que, hors le couvre-feu, et ce bien malheureusement, on n’a absolument rien fait pour que le virus ne circule pas en Guyane : il n’y a aucune restriction au niveau de l’aéroport. Les voyageurs ne sont pas du tout contraints à des septaines alors qu’ils arrivent de zones où le virus circule de façon très active avec les fameux mutants. Il n’y a pas de restriction dans les milieux professionnels particuliers, les classes sont surchargées avec 30-35 gaminEs les uns sur les autres, sans protection, on ne dépiste les cas contact ni dans les établissements scolaires, ni sur les lieux professionnels, les soignantEs infectés doivent travailler s’ils sont asymptomatiques.

Une étude de l’ARS, produite fin décembre, nous montre que le premier vecteur de contamination en Guyane, pour 30 % des cas, est le milieu professionnel devant le milieu familial.

Mis bout à bout, tous ces éléments créent d’importantes incompréhensions et crispations.

Cette gestion colonialiste de l’épidémie par l’État français semble être une volonté manifeste de mettre au pas les GuyanaisEs, surtout depuis l’arrivée très récente de ce nouveau préfet.