En République Islamique d’Iran, les élections se jouent toujours hors des urnes. Certes, la disparition accidentelle du président de la République, Ebrahim Raïssi, a provoqué des élections anticipées, elle a surtout ravivé les spéculations sur la succession du Guide Ali Khameneï. Mais cela ne change pas la nature du régime.
Le véritable pouvoir est dans les mains du Guide, de ses proches et des Gardiens de la Révolution. Le Conseil des Gardiens de la Constitution n’a validé que six candidatures parmi les quatre-vingts déposées.
Un second tour pour la deuxième fois dans l’histoire
Ali Larijani, ancien président du parlement, et Mahmoud Ahmadinejad, ancien président de la République, n’ont pas été autorisés à se présenter. De même, les principales candidatures issues du courant dit « réformateur » ont été rejetées.
En revanche, le Conseil des Gardiens de la Constitution a validé la candidature de Mohammad Bagher Ghalibaf, ancien maire de Téhéran et ancien président du parlement, célèbre pour les détournements massifs d’argent public et pour sa corruption, ainsi que celle de Saïd Djalili, ultraconservateur, ancien négociateur nucléaire, un des deux représentants du Guide au Conseil de Sécurité nationale et partisan d’un durcissement du régime à l’égard de la rue et des femmes notamment. Face à ces deux candidats, Mahmoud Pezeshkian représente le courant « réformateur ». Il est soutenu par les anciens présidents Rohani et Khatami.
Les deux qualifiés pour le second tour sont Mahmoud Pezeshkian et Saïd Djalili, le candidat « réformateur » ayant obtenu environ 1 million de voix de plus que son adversaire. Il faut noter que c’est la deuxième fois dans l’histoire des élections présidentielles qu’il y aura un second tour. Arrivé troisième loin derrière, Ghalibaf a appelé ses électeurs à voter pour Djalili le vendredi 5 juillet prochain.
« Nous avons le résultat, il nous manque les électeurs »
La véritable information est ailleurs. Le premier tour s’est soldé par une abstention record marquant un rejet massif de la population.
Les résultats officiels font apparaître sur le plan national un taux de participation de 39 %. Si l’abstention est encore plus forte dans les régions périphériques, notamment au Sistan-Baloutchistan et au Kurdistan, elle l’est aussi dans le grand Téhéran où le taux de participation n’atteint même pas les 25 %. Même dans la ville sainte de Qom la participation ne dépasse pas les 25 %... Il faut rajouter à cela le pourcentage de bulletins nuls qui avoisine les 5 %.
Or, l’enjeu principal pour le Guide, Ali Khameneï, et pour les dignitaires du régime est bien la légitimation de leur pouvoir. Tout a été fait pour favoriser une participation forte. Le pouvoir a même prolongé l’ouverture des bureaux de vote jusqu’à minuit.
Les appels au vote émanant des sommets de l’État se sont enchaînés. Les « incitations » à la participation électorale ont été nombreuses. Et cela, jusque dans les prisons où les détenuEs ont subi des pressions extrêmement fortes pour voter. Mais à l’instar de Narges Mohammadi, prix Nobel de la Paix, et des syndicalistes emprisonnéEs, les détenuEs d’opinion ont appelé au boycott.
La population iranienne sait que les élections en Iran ne sont qu’une parodie de démocratie. Une blague populaire fait dire au pouvoir : « Nous avons le résultat, il nous manque les électeurs ».
Un référendum contre la République islamique
Un an après le soulèvement « Femme, Vie, Liberté », dans un contexte marqué par une profonde crise économique et une répression continue, ce taux de participation est un référendum contre la République islamique. Les peuples d’Iran n’ont qu’un seul objectif : en finir au plus vite avec la dictature capitaliste et religieuse qu’est la République islamique. Le mouvement « Femme, Vie, Liberté » a montré la voie. Le changement social et politique se fera par des mobilisations massives de la jeunesse, des femmes, des minorités nationales, des travailleurEs et des privéEs d’emplois, dans la rue, dans les lieux d’études et sur les lieux de travail.