Publié le Mardi 12 juillet 2022 à 18h50.

La révolte srilankaise dégage les gouvernants

La colère qui couvait dans les rues du Sri Lanka depuis plusieurs mois a finalement débordé le week-end dernier, semant la panique chez les dirigeants du pays.

 

Bravant le couvre-feu imposé par le gouvernement, des milliers de personnes se sont rendues dans la capitale pour participer à une manifestation monstre à Colombo samedi 9 juillet. Ils ont réquisitionné des bus et des camions qui avaient encore du carburant, et se sont entassés dans des trains qui pouvaient encore rouler. Une fois dans la capitale, ils ont rejoint des centaines de milliers d’autres personnes furieuses de l’effondrement économique et de la corruption politique.

 

Ensemble, ils ont exigé : « Gota doit partir » – en référence au président Gotabaya Rajapaksa et à sa famille de collaborateurs du gouvernement.

« Cela semble encore irréel »

Dans le centre de la ville, les manifestantEs ont construit des barricades improvisées pour empêcher la police et l’armée de disperser les protestations. Ils se sont même emparés d’un canon à eau, jetant les policiers hors de la cabine et écrivant « Rendez-nous l’argent volé » sur son côté.

Non loin de là, les manifestantEs ont enfoncé un camion militaire, qu’ils avaient réquisitionné, dans la dernière porte qui les séparait de la résidence du président. Des centaines de personnes ont afflué, occupant allègrement la luxueuse demeure que Rajapaksa avait quittée précipitamment.

« Moins de deux heures après le début, nous étions à l’intérieur de la résidence », a déclaré Nuzly Hameem, qui a aidé à lancer le camp de protestation initial Galle Face Green en avril. « Cela semble encore irréel ». Quelques minutes après être entrés dans le manoir, certains manifestants nageaient dans sa piscine tandis que d’autres s’entraînaient dans la salle de sport ou se prélassaient dans les chambres. En fouillant dans les tiroirs, un manifestant a fièrement montré ce qu’il a dit être une paire de caleçons du président.

Depuis un navire de la marine srilankaise, Rajapaksa a annoncé qu’il allait démissionner mercredi 13 juillet. Dans la soirée, les rebelles se sont dirigés vers la maison du Premier ministre Ranil Wickremesinghe, à laquelle ils ont mis le feu sous les acclamations et les chants. Lui aussi a été contraint d’annoncer qu’il était prêt à se retirer en faveur d’un gouvernement d’unité nationale.

« Jamais je n’aurais pensé que cela pourrait arriver au Sri Lanka »

Le dimanche s’est transformé en jour de fête. Deepa Ranawara, son mari et leurs deux enfants étaient parmi ceux qui profitaient de l’atmosphère festive. En riant, Deepa a expliqué qu’elle ne pouvait pas se tenir debout tant ses jambes lui faisaient mal après avoir parcouru 15 miles [24 kilomètres] pour rejoindre les manifestantEs. « Malgré tout, nous célébrons l’événement qui s’est produit ici », a-t-elle déclaré. « Les gens ont trop souffert. Jamais, dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pensé que cela pourrait arriver au Sri Lanka. »

L’atmosphère de carnaval est bien méritée, mais ne peut pas durer. La crise économique s’aggrave à mesure que les stocks de presque tous les types de produits essentiels s’épuisent. Et les politiciens et la classe dirigeante au sens large cherchent désespérément à reprendre l’initiative.

On parle d’un gouvernement national impliquant tous les principaux partis, et peut-être de nouvelles élections. L’objectif principal de toute nouvelle administration sera d’étouffer les protestations et de conclure un accord avec le Fonds monétaire international qui impliquera des coupes sombres et des privatisations. Tous les partis politiques sont engagés dans ce processus. On ne peut compter sur aucun pour défendre les travailleurEs, les petits agriculteurs et les pêcheurs, ainsi que les pauvres.

C’est pourquoi il est vital que le mouvement qui a mis fin à la dynastie Rajapaksa se prépare à des combats encore plus importants.

Traduction J.S.

Original (en anglais) sur socialistworker.co.uk