Publié le Vendredi 16 octobre 2015 à 12h43.

L’Afghanistan devient une base américaine

Obama a annoncé jeudi le maintien de plusieurs milliers de soldats américains en Afghanistan au-delà de 2016. Officiellement, les troupes américaines auraient dû se retirer depuis dix mois, elles sont toujours là et vont rester jusqu'en 2016 au moins. Cette décision de prolonger encore une occupation militaire qui a débuté il y a 14 ans constitue un échec pour Obama, élu en 2008 sur la promesse de mettre fin aux guerres en Afghanistan et en Irak. Elle est surtout une nouvelle illustration de l'exacerbation des tensions internationales qui ruinent toutes les illusions sur la paix, un mirage dans le monde libéral et impérialiste.

Selon Obama, “les forces afghanes ne sont pas encore aussi fortes qu'elles doivent l'être” soulignant les avancées des talibans en particulier dans les zones rurales. Il invoque surtout l'“émergence de l'EI”, le groupe État islamique, pour avancer les mêmes justifications que Bush, “Je ne laisserai pas l'Afghanistan être utilisé comme un repaire pour terroristes dans le but d'attaquer encore notre pays”. Sauf que la véritable leçon de la guerre en Afghanistan, comme en d'Irak ou en Libye, c'est qu'elle n'a fait que favoriser le développement des forces réactionnaires, intégristes religieuses. Mais, en vérité, Obama comme tous les dirigeants des grandes puissances, n'ont qu'une réponse à l'échec de leur politique, la fuite en avant militaire parce que sur le fond leur politique ne vise pas la paix, mais à maintenir leur domination au détriment de leurs rivaux et des peuples.

Il est évident que la décision d'Obama participe du contexte créé par la guerre en Syrie, les tensions avec la Russie de Poutine tant au Moyen Orient qu'en Géorgie avec en arrière fond la montée en puissance de la Chine.

En fait, l’Afghanistan devient une base militaire pour les USA, une base qu'il faut protéger et sécuriser.

Pour le moment, le commandant en chef des forces armées a annoncé le maintien des 9.800 soldats “pour l'essentiel” de l'année 2016. Au-delà de 2016, 5.500 soldats seraient maintenus sur un petit nombre de bases parmi lesquelles Bagram (près de Kaboul), Jalalabad (est), et Kandahar (sud).

“Ce maintien modeste mais significatif de notre présence (...) peut faire une vraie différence”, a assuré M. Obama. En fait, pour le Pentagone, il sera toujours temps de voir. Après 2016, ce seront les élections américaines et il appartiendra au futur président de décider. Et quoiqu'il en soit l'armée américaine restera sur place, d'une façon ou d'une autre, pour enrôler les forces afghanes au service de la première puissance mondiale.

Le président fantoche afghan, Abdullah Abdullah, soutient la décision d'Obama : “Le besoin d'une poursuite du soutien aux forces afghanes est évident”. Un point de vue partagé par l'Otan, qui a salué jeudi cette décision estimant qu'il était “crucial” de continuer à soutenir l'armée afghane. Quelle surprise ! Washington a déjà investi quelques 60 milliards de dollars depuis 14 ans pour équiper et former les troupes afghanes mercenaires. Cela ne suffit pas à contrer les talibans alors que la population est hostile à l'occupation américaine dont la corruption est le deuxième instrument de domination après les armes.

Dans une déclaration à l'AFP à Kaboul avant l'intervention de M. Obama, un porte-parole des talibans, Zabiullah Mujahid, a promis que la rébellion continuerait ses attaques “jusqu'à ce que le dernier envahisseur soit expulsé”.

Bien que plus de 2.300 soldats américains ont perdu la vie dans cette sale guerre sans parler des terribles pertes et souffrances de la population, les USA n'ont pas l'intention de se retirer, bien au contraire. D'une façon ou d'une autre ils resteront. “Mon approche consiste à évaluer la situation sur le terrain, déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et faire des ajustements si nécessaires”, explique Obama. Oui, tout le reste et propagande et promesses, Obama a toujours défendu de façon pragmatique la domination des multinationales et de la finance américaines à travers la concurrence acharnée à l’échelle mondiale dont le militarisme est un complément indispensable.

Yvan Lemaitre