L’ambiance était morose dimanche soir, parmi les progressistes guyanais. La consultation populaire sur le passage à l’article 74 a révélé un refus très majoritaire des votants – à près de 70 % – de doter la Guyane d’une « organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ».
La campagne pour le Oui, animée par les forces de gauche et la grande majorité des élus locaux et parlementaires guyanais, n’a pas su convaincre la population de l’opportunité d’une plus grande autonomie. Pourtant, l’évolution statutaire a fait l’objet de bien des combats depuis une dizaine d’années.
En novembre 2000, plusieurs journées de mobilisation, avec des manifestations importantes à Cayenne, des barrages, des émeutes, une occupation de la préfecture, avaient contraint le ministre des DOM-TOM – des Colonies – de l’époque à ouvrir des négociations. Les arguments démagogiques, et faux, de la droite ont fonctionné : les salaires vont baisser, les allocations vont être supprimées, la France va nous laisser tomber…
Le poète et dramaturge Elie Stephenson, figure de la génération indépendantiste des années 1970, résume : « Plusieurs facteurs ont joué : la politique du revenu facile, la peur du moindre changement, le manque de confiance dans tout ce qui est guyanais, y compris leurs propres enfants et eux-mêmes. On verra dans les mois à venir quel en sera le prix. Le vote de ce soir c’est un oui en fait. Un oui à la servitude. » Un défi reste plus que jamais posé aux organisations sociales et politiques, dont le Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale : comment traduire la colère, qui existe dans de nombreux secteurs de la population, en projet politique d’avenir pour ce pays, dernière colonie sur le continent sud-américain ?