Publié le Vendredi 28 octobre 2011 à 10h36.

Le PS et l'Afrique...

Pour comprendre la politique du Parti socialiste français vis-à-vis des anciennes colonies, il faut remonter loin dans le temps, au début du XXè siècle, précisément en Août 1914.

A cette époque la concurrence inter-impérialiste ne cesse de s’accroître allant jusqu’à des conflits armés en Afrique. La puissance industrielle de l’Allemagne exige un contrôle des matières premières et des débouchés

Le partage de l'Afrique

Cette tension entre les possédants des pays capitalistes s’exacerbe au point que la guerre éclate. Jaurès qui déclarait que: «Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nuée porte l'orage» est assassiné. Ce qui paraissait improbable, quelques jours auparavant, se réalise: les partis socialistes des pays impliqués se rangent, chacun, derrière leur bourgeoisie et votent les crédits de guerre. La ligne de partage de classe est abandonnée au profit d’une ligne d’union nationale. Par ce vote les partis socialistes vont envoyer les travailleurs et leurs adhérents tirer sur d’autres travailleurs, d’autres socialistes! Ce carnage, de neuf millions de morts et vingt millions de blessés, se fit au nom de la Patrie. Comme disait Anatole France: «On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels».

Le PS abandonne l’internationalisme au profit d’un nationalisme qui milite pour la puissance de la France. A l’époque de l’impérialisme cela équivaudra à défendre une politique colonialiste.

Mitterrand précurseur de la Françafrique, Papa Mitterand et ses fistons

C’est ainsi qu’on vit les débuts politiques d’un certain François Mitterrand manifester en janvier 1936, contre Gaston Jèze, défenseur de la cause Ethiopienne, qui acceptait d’être au côté du Négus face à l’agression de Mussolini contre ce pays. Il sera surtout une pièce maîtresse dans la politique colonialiste de la France lors de son passage au Ministère de l’Outre-Mer en 1950, en manœuvrant afin que le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) accepte le projet néocolonial de la France. En ce sens Mitterrand a posé la première pierre de la Françafrique.

Plus récemment l’espoir d’un changement politique vis-à-vis de l’Afrique, lors de l’arrivée au pouvoir du PS et du PCF en 1981, s’envolera aussi brutalement que la démission de JP Cot, Ministre de la Coopération, qui avait eu la naïveté de croire à de nouvelles relations entre la France et l’Afrique.

Restant fidèle à la logique de la 5e République, Mitterrand gardera la mainmise sur les affaires africaines. Il ne détruira pas les réseaux Françafricains de la droite, mais se contentera d’y ajouter le sien. De ce point de vue le témoignage de Loïk Le Floch-Prigent est éclairant quand il rapporte la demande de Mitterrand pour un financement des socialistes sans pour autant arrêter celui de la droite[1]. C’est ensuite une longue descente aux enfers du PS entre le détournement d’argent, dans l’affaire du Carrefour du Développement à l’Angolagate, où Jean Christophe Mitterrand, ancien Monsieur Afrique de son père, sera impliqué dans le trafic d’armes avec les réseaux de Pasqua.

PS et l’Afrique: parole…parole…toujours des paroles[2]

De forts soupçons continuent de peser sur le financement du PS par la filière africaine. Aziz Miled, ancien Ministre de Ben Ali (bien connu pour avoir prêté son avion personnel à Mme Alliot Marie) a financé un Think Tank: l’IPEM, fondé par Mme Guigou et son mari.[3]

Fabius quant à lui, a bénéficié pour sa tournée africaine des services d’un biznessman béninois, fondateur d’un Think tank aux orientations très libérales.

Wikileaks a révélé qu’Omar Bongo avait financé la campagne de l’UMP et celle du PS par le biais de détournements de fonds de la BEAC (Banque des Etats d’Afrique centrale). Si le PS, comme l’UMP, ont nié, certains comme le député André Vallini ont été plus prudent: "Nous savons tous précisément qu'Omar Bongo a financé de nombreuses campagnes électorales à droite, mais aussi à gauche parfois, peut-être». On l'a entendu dire. «Je crains hélas que cela soit un peu vrai, y compris concernant la gauche"[4]»

Pour se justifier, les dirigeants socialistes brandissent le discours de la Baule, comme les sarkosystes brandissent celui de Cotonou où il était question de rupture avec la Françafrique.

Le responsable Afrique du PS n’hésite pas à écrire: «Le discours de la Baule, quoique tardif, fut donc néanmoins symbolique d’un basculement théorique, l’autocratie étant clairement rejetée et l’ouverture politique saluée avec la promesse d’une aide « tiède » pour les pays adeptes de la première et d’une coopération plus « enthousiaste » avec ceux mettant en œuvre la seconde.»[5]

On cherche encore le «basculement théorique» dans le soutien de Mitterrand aux pires extrémistes Hutu du Rwanda qui conduira la France à être complice du dernier génocide du 20è siècle.

Le discours de la Baule était, avant tout, une réponse aux luttes pour les libertés démocratiques qui se déroulaient sur le continent Africain et qui faisaient écho à la chute du mur de Berlin, comme au Gabon, en Côte d’Ivoire, à Madagascar ou en Afrique australe où l’apartheid vacillait après la chute du mur de Berlin.

Les propositions du PS sont bien loin de répondre aux attentes des peuples africains. Le PS parle bien de fermer les bases de l’armée française en Afrique…tout en maintenant les dispositifs pour sauver les ressortissants français, mais surtout, il est loin de condamner les interventions militaires, notamment en Côte d’ivoire ou en Libye. L’idée porte plus sur le remplacement des interventions de la France par celles de l’Union Européenne. L’impérialisme ne serait plus tricolore, mais étoilé; voilà un progrès tout à fait remarquable!

De son côté, François Hollande déclarait, dans une interview à Jeune Afrique[6]: «que les dirigeants n’ont rien à craindre de lui» «Nous ne cherchons pas à déstabiliser des pays africains et leurs dirigeants», ajoutant qu’il serait vigilant concernant le respect de la démocratie; dans ce cadre, ce que propose le PS est tout simplement que l’UE aide aux processus électoraux des pays africains. On a vu avec quels résultats au Togo où l’UE a avalisé les fraudes électorales sous l’injonction du grand démocrate européen, Louis Michel.

Au sujet de la domination économique de la France vis-à-vis des pays africains, même la position de Montebourg, pourtant la plus à gauche sur l’échiquier des primaires du PS, se refuse à rompre avec la logique de la division internationale du travail: «Je suis favorable à ce que, dans une nouvelle approche des relations Europe-Afrique, on retrouve l’esprit des accords de Lomé dans lesquels, au nom du développement et de la coopération, la production des pays africains bénéficiait d’accords préférentiels[7]». Certes les accords de Lomé sont mieux que les Accords de Partenariat Economique mis en place par l’OMC (dirigé par le socialiste Lamy) qui étouffe l’activité économique des pays Africain. Cependant ces accords de Lomé ne font que renforcer la dépendance des pays africains aux pays riches en les confinant dans leur rôle d’exportateur de matières premières, même si ces dernières peuvent être payées un peu plus chères que sur le marché mondial.

C’est ce système qu’il faut briser. Pour cela le courage politique, contre les diktats des industriels et des financiers, est indispensable et c’est précisément ce qui manque dans la politique intérieure, ou extérieure, du PS

Paul Martial

[1] Documentaire Françafrique, 50 années sous le sceau du secret. Produit par la compagnie des phares et balises

[2] Un beau résumé d’une supportrice socialiste … Dalida!

[3] Voir le canard Enchainé du 16 février 2011

[4] http://www.lemonde.fr/af…

[5] Quelle politique africaine pour la France en 2012? de Thomas Mélonio édition Jean Jaurès Fondation

[6] Jeune Afrique n° 2639 du 7 au 13 août

[7] http://www.arnaudmontebo…