Publié le Mercredi 15 octobre 2025 à 11h00.

Un budget quoi qu’il en coûte

Le renommé Lecornu a comme tâche centrale de faire passer le budget (et, tant qu’à faire, d’avancer dans la politique coloniale en Kanaky avec les accords de Bougival). Tous les revirements, réunions, discours et déclarations de la semaine dernière menaient vers ça : éviter la dissolution afin d’avoir un budget.

Cest bien évidemment une tâche difficile après la dissolution de 2024 : la pression du patronat pour réduire le déficit public sans augmenter les impôts implique des attaques très fortes contre les acquis sociaux, et le président n’a aucune majorité sur laquelle s’appuyer. Macron s’est déjà cassé les dents avec les budgets de Barnier et de Bayrou. Se cassera-t-il les dents avec celui de Lecornu ? Ce qui semble sûr, c’est que Macron préfère un gouvernement de zombies à se retrouver, à nouveau, sans budget.

Il veut ce budget à tel point qu’il a fait exploser le socle commun, divisé son parti et approfondi la crise politique avec un gouvernement qui ne tient pas la route. Ce budget, certes moins offensif que celui de Bayrou, comporte tout de même des mesures qui donnent des frissons, à commencer par le gel des pensions de retraite et la suppression de 3 000 fonctionnaires. On pourrait croire qu’au moins la taxe sur les holdings faisait payer une partie de la note aux milliardaires, mais Gabriel Zucman a déjà analysé qu’avec les exonérations, son montant est ridicule. Selon Éric Coquerel, avec la réduction de la surtaxe des impôts sur les sociétés présente dans le budget 2025, la contribution des riches et des grandes entreprises passe de 10 à seulement 6 milliards. Il s’agit de la dernière tentative du gouvernement Macron pour avoir un budget.

Des concessions de Lecornu au PS

Si, sans gouvernement, il n’y a pas de budget, il faut donc que Lecornu tienne un peu. Il fallait donc faire quelques concessions au PS pour éviter la censure : pas de 49.3 et suspension de la réforme des retraites. Gérald Darmanin avait vendu la mèche : une suspension de la réforme pendant quelques mois allait coûter moins cher que la chute du gouvernement.

HabituéEs aux défaites et aux passages en force de Macron et Hollande, cette suspension peut apparaître comme une première victoire. Mais il faudra encore que la suspension soit validée par les députéEs. Puis, sans abrogation derrière, les gains sont minimes. Et Lecornu annonce qu’il faudra bien compenser les 400 millions que cette suspension coûterait par des coupes budgétaires. Pire, rien n’empêche que, de la conférence sur les retraites, ne sorte une loi encore plus régressive, avec le retour de la retraite à points tentée avant le confinement.

Des concessions du PS à Lecornu

Le PS est donc satisfait et pense tirer le plus grand bénéfice de cette opération dans le jeu parlementaire. Pour la troisième fois en un an, il ne votera pas la censure. Mais cette fois-ci, ce sont ses voix qui sauveront le gouvernement, et pas celles du RN.

Nous ne sommes pas surprisEs, car la position de fond du PS a toujours été de chercher la stabilité institutionnelle pour garantir la continuité du système. À court terme, il espère apparaître comme la gauche responsable, et partir dans de meilleures conditions pour 2027. D’abord en défendant une cohabitation, puis en affirmant être le parti qui aurait réussi à arracher un recul sur l’impopulaire réforme des retraites.

L’excuse est d’éviter l’arrivée au pouvoir du RN. Certes, Macron avait déjà annoncé qu’une motion de censure était une motion de dissolution — et, sans élection, pas de victoire du RN. Mais le prix à payer est doublement délétère. Dans un premier temps, un budget d’austérité. Dans un second temps, un boulevard encore plus grand pour l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

La seule option pour notre camp social est de sortir du jeu institutionnel, d’organiser nos collègues, de prendre nos affaires en main. La GenZ ouvre la voie, reprenons la rue !

Martin Hache