Publié le Jeudi 6 mars 2025 à 08h30.

Le Soudan vers la partition

La création d’un gouvernement parallèle a brisé l’unité de la coalition Taqaddum dirigée par l’ancien ministre Abdallah Hamdok du gouvernement de transition issu de la révolution soudanaise. 

Bien que peu médiatisée, la guerre au Soudan reste le conflit dont le coût humanitaire est le plus élevé au monde : 11 millions de personnes sont déplacées et la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire.

Propagation du conflit

Au début, seules les Sudanese Armed Forces (SAF) de Burhan et les Rapid Support Forces (RSF) d’Hemedti s’affrontaient. Les autres forces, qu’elles soient civiles ou armées, observaient une neutralité. Ce n’est plus le cas maintenant.

La guerre fait rage y compris à l’intérieur des camps de réfugiéEs, comme à Zamzam où les travailleurEs humanitaires ont dû partir.

Les RSF commettent les pires atrocités contre les communautés non arabes. Des pratiques qui existaient déjà lors du conflit au Darfour en 2003, mises en œuvre par les Janjawid précurseurs des RSF. Ces crimes contre l’humanité poussent les civilEs à se défendre. C’est ce qui s’est passé dans la ville d’El-­Fasher encerclée par les forces d’Hemedti depuis des mois, où les habitantEs, y compris les femmes, ont pris les armes pour repousser les incursions des RSF. La conséquence est que la guerre peu à peu se généralise parmi les populations.

Tant que le soutien des pays extérieurs — États arabes unis et Tchad pour Hemedti, et Égypte et Turquie pour Burhan — continuera, et en l’absence de sanctions, la guerre perdurera, poussant les différentes organisations à se départir de leur neutralité, d’autant que RSF et SAF tentent d’élargir leurs bases sociale et militaire.

Second gouvernement

Cette situation a provoqué l’éclatement de la coalition Taqaddum qui avait tenté de représenter une alternative aux deux forces militaires. Une partie de cette coalition a signé une « charte fondatrice » pour la mise en place d’un gouvernement parallèle dans les territoires occupés par les FSR. Parmi les signataires, on trouve des organisations armées comme une fraction du SPLM/N d’Abdelaziz al-Hilu et du Justice and Equality Movement (JEM) ainsi que le parti politique Oumma et des membres se réclamant de la société civile. Si le texte de cette charte affirme des droits égaux pour tous les SoudanaisEs, il ne fait pas illusion au vu du nettoyage ethnique. Certains parlent même de génocide perpétré par les RSF.

Division du Soudan

Les SAF se sont associés à des milices ethniques et aux partisans de l’ancien régime d’Omar el-Bashir. Eux aussi sont accusés de crimes de guerre.

Le Soudan aura deux gouvernements, l’un dirigé par Hemedti pour l’ouest, intégrant les régions du Darfour et le Kordofan-Nord, et l’autre siégeant à Port-Soudan dans l’est, conduit par Burhan. La capitale Khartoum faisant toujours l’objet d’intenses batailles pour son contrôle. Ce scénario à la libyenne peut rapidement déboucher sur une partition du pays, voire sur une fragmentation tellement les coalitions des RSF et des SAF ne sont que des agrégats d’éléments disparates aux agendas souvent opposés.

Paul Martial