Publié le Jeudi 30 août 2012 à 12h54.

Les enchaînements de la crise internationale

Depuis le début de la mondialisation libérale des années 1980, les crises se succèdent : krach boursier mondial de 1987, crise du peso mexicain de 1994, crises boursières en Asie en 1997-1998, puis en Russie en 1999, débâcle économique et financière en Argentine en 2001, crise dite « Internet » en 2001.    Mais celle qui a commencé en 2007, dans une mondialisation économique et financière généralisée et avec la montée des risques environnementaux, est beaucoup plus profonde… et nous n’en sommes pas sortis !Schématiquement, les enchaînements sont les suivants :2006 - Ralentissement du marché immobilier US2007 - Crise immobilière US 2008 - Crise financière US 2008 - Crise financière mondiale2009 - Crise économique mondialeLa crise prend ensuite un tournant particulier en Europe : 2010 - Crise des finances publiques en Europe2011-2012 - Crise de l’ Europe, crise de l’euro.2007 - Crise immobilière US Une particularité de l’économie US, première économie mondiale, est son endettement massif. À cause de la faiblesse des revenus de la majorité des ménages, ceux-ci ont, dans leur ensemble, un taux d’épargne quasi nul (alors qu’il est d’environ 10 % en France): donc ils consomment à crédit et ils investissent à crédit.Pour que le marché immobilier se développe, il faut que même les ménages modestes puissent acheter des logements. Les banques ont inventé pour eux des prêts hypothécaires particuliers (les subprimes) fondés sur le discours suivant : votre logement va prendre de la valeur, c’est votre garantie, vous serez plus riches et donc vous n’aurez pas de problème pour rembourser le prêt. Ceci suppose que le marché immobilier se développe effectivement et que les prix montent. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé : il y a eu surproduction de logements dans une période de stagnation du revenu des ménages, donc mévente et les prix se sont effondrés. Des millions de ménages américains ont été expulsés de leur logement qu’ils étaient devenus incapables de rembourser.

2008 - Crise financière US Les banquiers n’ont bien sûr pas suivi le discours qu’ils tenaient à leurs clients. Par la titrisation, ils ont transféré ces crédits risqués à d’autres opérateurs financiers par les produits financiers dérivés. D’où trois niveaux de crise bancaire : crise de confiance (à cause de la titrisation des dettes, plus personne ne sait qui détient des créances douteuses), crise de liquidité (les prêts entre banques, sur le marché monétaire, s’interrompent), crise du crédit (les banques réduisent leurs prêts aux entreprises et aux ménages).Les organismes de prêts hypothécaires sont mis en quasi-faillite, mais les deux plus importants sont sauvés par le gouvernement. Faillites de grandes banques (Bear Stearns en mars, puis Lehman Brothers en septembre). Pour se procurer les liquidités que les banques ne fournissent plus, importantes ventes d’actions, d’où baisse des cours des actions : la crise bancaire devient une crise financière.2008 - Crise financière mondialeAvec la mondialisation, les échanges de produits financiers dérivés propagent la crise sous ses trois aspects à l’ensemble du monde. Les banques centrales (prêteurs en dernier ressort) choisissent bien sûr de sauver le système, c’est-à-dire de baisser les taux d’intérêt de refinancement (Réserve fédérale-Fed : 2 %, BCE : 1 %) au risque d’encourager les spéculateurs à continuer à prendre des risques : « Too big to fail ».Chute généralisée des actions : au 2e semestre 2008, tous les indices boursiers perdent environ 50 % de leur valeur (exemple le CAC40).Les États doivent intervenir directement, contrairement à leur doctrine libérale officielle, par des prêts aux banques en difficulté, et bientôt aussi aux grandes entreprises.   2009 - Crise économique mondialeLa crise du crédit, le quasi-blocage des crédits à l’économie, transforme la crise financière en crise économique généralisée, qui se propage aussi à tous les pays par la réduction du commerce international (exportations et importations). Ralentissement de la croissance mondiale, mais forte baisse pour l’Europe et les États-Unis. En France, le PIB baisse de 2,6 %, du jamais vu depuis 60 ans. Explosion du chômage : l’Organisation internationale du travail dénombre 212 millions de chômeurs dans le monde fin 2009. Un taux de chômage proche de 10 % aux États-Unis et en France, de 20 % en Espagne ! La crise prend ensuite un tournant particulier en Europe L’Europe connaît la situation la plus dégradée, bien que n’étant pas à l’origine de la crise, et doit faire face à la nouvelle hiérarchie mondiale (montée de la Chine et des pays émergents, maintien relatif des EU).Mais l’Union européenne n’est pas véritablement unifiée. L’euro est géré par la BCE « indépendante ». Il existe de fortes disparités entre les États membres et pas de véritable gouvernement économique (pas de fiscalité commune, pas de politique industrielle, pas de Smic européen). En résumé, pas d’État européen.Les classes dominantes européennes ne sont pas unifiées, chacune veut garder son État pour défendre ses intérêts. Par contre, il existe un accord unanime des bourgeoisies pour imposer aux populations des « réformes », c’est-à-dire des politiques de démantèlement du modèle social européen : privatisations des services publics, casse du droit du travail, chômage et austérité salariale, baisse des dépenses publiques et notamment pour la santé, les retraites et l’éducation.2010 - Crise des finances publiques en EuropeLa crise a fait exploser les critères formels de Maastricht sur les comptes publics (déficit de 3 % du PIB et dette de 60 %) : fin 2009 en France le déficit est à 7,5 % et la dette à 78 %. Car en plus d’emprunter pour financer le déficit, les administrations publiques se sont endettées pour fournir des liquidités aux banques et aux entreprises qui ne trouvaient plus de financement. Cet accroissement de la dette a eu deux conséquences. D’une part les pays se sont trouvés à la merci des agences de notation. Et d’autre part les gouvernements ont dramatisé la situation et s’en sont servis pour mettre en place des politiques d’austérité renforcée (Irlande, Portugal, Espagne).La Grèce (15,6 % de déficit et 127 % de dette fin 2009) a été la cible suivante. Le gouvernement a d’abord été en partie victime des magouilles de la banque Goldman-Sachs qui la conseillait pour la gestion de sa dette tout en spéculant par ailleurs contre les titres publics grecs. Mais la Grèce est membre de la zone euro et, comme dans les pays d’Europe de l’Est, la plupart de ses banques sont des filiales de banques de l’Ouest (Grande-Bretagne, Allemagne, France). Au nom de la défense de l’euro, ce sont ces banques plutôt que la Grèce qui ont été « sauvées » au prix d’un plan gouvernemental d’austérité sans précédent : réduction des dépenses publiques de 30 milliards (baisse des salaires des fonctionnaires, recul de l’âge de la retraite et du calcul des pensions), hausse de la TVA, privatisations, que le représentant du FMI a tenu à saluer !Profitant du contexte, tous les pays de l’UE ont adopté des plans d’austérité (Espagne, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie), ou aggravés des programmes de « réforme » déjà en cours (sur les retraites en France, par exemple), plans qui ne sont pas coordonnés mais visent tous à faire payer la crise aux populations. 2011-2012 - Crise de l’ Europe, crise de l’euroMalgré un plan « d’aide » de 110 milliards en 2009, puis en juillet 2011, et la proposition d’annulation de 20 % de sa dette, la situation de la Grèce, et surtout de la population grecque, continue d’empirer. Les sommets européens se succèdent sans décision ferme et forte. Le 21 octobre 2011, nouveau sommet, enfin prise de conscience qu’il faut annuler au moins 50 % de la dette. Mais il est trop tard : la dette grecque est devenue un problème européen risquant de mettre en cause la zone euro et l’euro. Les moyens du FESF passent de 440 à 1 000 milliards, ce qui suffira peut-être pour la Grèce, mais sûrement pas pour l’Espagne.  La question est devenue clairement politique. La population grecque s’insurge, les IndignéEs manifestent et les gouvernements tombent : Irlande, Portugal, Grèce, Espagne et Italie. Mais la seule réponse des bourgeoisies est partout le renforcement de l’austérité, c’est-à-dire la liquidation du modèle social européen. En décembre 2011 est adopté le Pacte de stabilité et de croissance renforcé» qui durcit le texte du même nom adopté en 1997.Les élections grecques de juin 2012 montrent d’abord le désaveu des partis de l’austérité et de la corruption Pasok et Nouvelle Démocratie, mais rien n’est réglé le 17 juin avec le retour de la droite au pouvoir.Après la Grèce, l’Espagne est maintenant en première ligne. Malgré un gouvernement conservateur qui accentue les programmes d’austérité et malgré les 1 000 milliards accordés par la BCE aux banques européennes (notamment espagnoles), plusieurs de ces dernières sont au bord de la faillite et l’une d’elles, Bankia, vient d’être quasiment nationalisée puisqu’elle a subi les plus grosses pertes !Le dernier sommet européen des 28 et 29 juin, essentiellement consacré aux banques, a pris une décision de principe sur la création d’une union bancaire, avec un mécanisme de surveillance unifié. Mais les « marchés financiers » maintiennent la pression.