Les camionneurs d’un prétendu « Convoi de la liberté » (« Freedom Convoy ») ont conduit des manifestations de centaines et parfois de milliers de personnes dans plusieurs villes canadiennes contre toutes les réglementations sanitaires en cas de pandémie, telles que l’obligation de vacciner et les tests.
Ce convoi représente une action importante d’une extrême droite canadienne en croissance, un mouvement influencé par les droites au sud de leur frontière, dirigées par Donald Trump, et parallèles à elles.
Trudeau « fou d’extrême gauche »
Donald Trump a publié une déclaration qualifiant le Premier ministre canadien Justin Trudeau, du Parti libéral, de « fou d’extrême gauche » qui a « détruit le Canada avec les réglementations insensées du covid ». Trump a soutenu le Convoi de la liberté canadien et a suggéré aux camionneurs des États-Unis de l’imiter et de manifester à Washington DC.
Le Convoi de la liberté dénonce Trudeau comme le responsable des politiques de santé auxquelles ils s’opposent. Pour sa part, lors d’une conférence de presse, Trudeau a souligné que 90 % des camionneurs, comme tous les Canadiens, sont vaccinés, et que le Freedom Convoy ne représente qu’une « petite minorité marginale ». Deux auteurEs et militantEs canadiens de gauche, Judy Rebick et Corvin Russell, tout en dénonçant les insuffisances et la mauvaise orientation de la politique canadienne face à la pandémie, ont souligné dans un article paru le 4 février que « l’absence de toute réponse cohérente et organisée de la gauche a été flagrante, en particulier de la part des syndicats, qui n’ont fait que publier des déclarations tardives et tièdes ».
« Don’t Tread On Me »
Au centre de la protestation se trouve une loi canadienne qui oblige désormais les camionneurs revenant des États-Unis, où le Covid-19 sévit, à s’isoler pendant quatorze jours. Comme aux États-Unis, parmi les protestataires, on trouve des opposants racistes aux immigréEs étrangers. Certains portent le drapeau canadien mais d’autres le drapeau américain Gadsden (qui représente un serpent à sonnette avec la devise « Don’t Tread On Me » – « Ne me marche pas dessus ») couramment porté dans les manifestations de droite aux États-Unis, et quelques-uns arborent des croix gammées.
Le parti conservateur a apporté son soutien aux manifestations. Le sénateur conservateur Dennis Patterson a en conséquence démissionné du parti et déclaré : « Soyons clairs : si vous brandissez un drapeau nazi ou confédéré, vous vous déclarez comme une personne qui embrasse la haine, le sectarisme et le racisme. »
Les manifestations ont impliqué des centaines de camions, et même des engins de terrassement, et les manifestants ont également organisé des campements, bloquant même les principales artères de la ville d’Ottawa, la capitale du Canada.
Le Convoi de la liberté a également manifesté dans des villes du Québec, du Saskatchewan, du Manitoba et de la Colombie-Britannique. Par le biais de GoFundMe (une plateforme de collecte de fonds), le Convoi a récolté 10 millions de dollars canadiens, mais GoFundMe a saisi les fonds en raison des manifestations violentes du groupe.
« La santé, pas la haine »
Les camionneurs, qui possèdent généralement leurs propres camions, représentent la classe moyenne inférieure, base classique de nombreux mouvements de droite. Ils sont et se considèrent comme des petits entrepreneurs, bien que leurs conditions de travail et de rémunération ne soient souvent pas très différentes de celles des salariéEs. Par les temps qui courent, face à une économie instable, à la hausse des prix du carburant et aux restrictions gouvernementales, certains sont descendus dans la rue.
Il y a six ans, lorsque je suis allé m’adresser à une convention américano-canadienne des travailleurs du transport, j’ai été surpris de trouver quelques partisans de Trump parmi eux. Aujourd’hui, au Canada, les idées de droite se développent. Lorsque Trump a banni les réfugiés syriens en 2017, 25 % des CanadienEs ont déclaré que leur pays aurait dû faire de même. En 2018-2019, un mouvement de « Gilets jaunes » au Canada a attiré des dizaines de milliers d’adeptes sur Facebook et a organisé de petites manifestations contre une taxe sur le carbone, s’est opposé aux oléoducs et s’est dressé contre les « mondialistes des Nations unies. » Leurs rangs étaient truffés de suprémacistes blancs, d’antisémites et de racistes anti-immigrés.
Au Canada subsistent cependant des traditions syndicales et de gauche. À Toronto, des centaines de travailleurEs de la santé masqués ont protesté contre le convoi en portant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « La santé, pas la haine ». À Vancouver, en Colombie-Britannique, des manifestantEs ont même bloqué le Convoi de la liberté. Comme l’écrivent Reik et Russell, « si le mouvement syndical doit avoir une quelconque pertinence à l’ère du Covid, il doit se mobiliser pour contrer et même arrêter les manifestations d’extrême droite dans tout le pays, et formuler des revendications offensives qui répondent aux besoins fondamentaux des travailleurEs ».
Traduction Henri Wilno