Dans le Brésil de Bolsonaro, un nouveau cas emblématique de répression judiciaire visant des meneurs du mouvement contre l'accaparement des terres.
Condamné à 21 ans et 5 mois de réclusion par la 3e chambre du TRF-SP (Tribunal Régional Fédéral-SP) José Rainha Junior, leader des sans-terre, est menacé de prison immédiate. À ses côtés, Claudemir Silva Novais a été condamné à 5 ans et 6 mois de réclusion, et 4 mois et 20 jours de détention.
José (Zé) Rainha Junior et Claudemir Silva Novais sont accusés d’extorsion. Ils auraient, sous menace d'occupation, obligé deux sociétés de l’agrobusiness et une société concessionnaire d’autoroutes à payer une contribution au mouvement social des sans-terre. Mais plus encore, d’avoir prétendument accaparé les sommes reçues ainsi qu’une partie de l’aide fédérale (sous forme de produits alimentaires de base) à leur profit. Plus c’est gros, plus ça passe !
L’accusation n’a fourni aucune preuve. Ce ne furent que témoignages indirects – plutôt des racontars – et de prétendues écoutes téléphoniques, tronquées, décontextualisées et de toute façon illégales. Tout ceci se passe dans la région du Portal de Paranapema, à l’ouest de São Paulo, théâtre depuis quarante ans de violents conflits ruraux, où propriétaires terriens, juges et commissaires savent qu’ils appartiennent au même monde.
Un acharnement qui vient de loin
Zé Rainha a déjà été emprisonné 13 fois. Mais il a aussi remporté des dizaines victoires dans les occupations où il est intervenu, souvent en première ligne. Il totalise ainsi plus de 20 procès, tous liés à son activité dans les mouvements paysans. Il a également subi une série d’attentats, le dernier en 2002 perpétré par un propriétaire terrien.
Le véritable enjeu de ce procès, dans le Brésil de Bolsonaro, c’est faire payer à José Rainha Jr plus de 40 ans consacrés à la lutte contre les grands propriétaires, leur main-mise sur les terres publiques, et l'expulsion des petites entreprises familiales d'agriculteurEs, des indigènes et des Quilombolas de leurs parcelles de terre. C'est lui faire payer d’avoir été, dans les années 80, un des leaders du Mouvement des Travailleurs Ruraux sans Terre (MST), et aujourd’hui du Front National de Lutte Campagne et Ville (FNL1). Lui faire payer, enfin, d'être aujourd’hui encore l’animateur de trois grandes occupations dans cette région du Pontal de Paranapema : le Miriam Farias (à Sandovalina), le Mandela (à Rosana), et le Paulo Freire dans la région de Marabá Paulista regroupant plus de 2 500 familles.
Une détermination intacte
La prison n’effraie pas José Rainha Jr, mais il n'est pas du genre à assister passivement à la persécution politique du mouvement de lutte pour la terre, le travail et le logement. Il défie ses accusateurs : "Montrez-moi les preuves ! Il n'y en a pas. C’est un procès politique, c’est le procès de la résistance, de la lutte pour la terre, de la réforme agraire. Chaque fois que le mouvement paysan s'est soulevé, ceux qui n'ont pas été tués ont été mis en prison."
La défense de Zé a de solides arguments juridiques à faire valoir en appel auprès du STJ (Tribunal Supérieur de Justice) et du STF (Tribunal Supérieur Fédéral). Mais ce sont les mouvements de solidarité, les manifestations, les prises de position des organisations de travailleurEs, de paysanEs, d’étudiantEs, d’activistes au Brésil et dans le monde, qui lui donneront l’énergie vitale dont elle a besoin. Une marche va parcourir les quelque 100 km entre Sorocaba et São Paulo pour la défense de José Rainha Junior et de Claudemir Silva. Et rappeler les revendications du FLN- Campagne et Ville : droit à la terre, au logement, au travail, à l'éducation et, face à la pandémie, à la santé publique et gratuite.
- 1. Fondée en 2014, le FNL (Front National de Lutte - Campagnes et Villes) est présent dans au moins 11 États du Brésil, rassemble plus de 20 000 personnes dans ses occupations et son objectif est d'en atteindre 100 000 d'ici à 2022.