Publié le Jeudi 7 mars 2013 à 11h24.

Mali : les barbaries

Une certaine confusion règne en ce début de semaine concernant la situation exacte dans le Nord du Mali. Alors qu'un nouveau soldat français vient de mourir, l’armée tchadienne, principale alliée des militaires français sur le terrain, avait successivement annoncé la mort au combat d’Abdelhamid Abou Zeid, un des principaux dirigeants d’AQMI (« Al-Qaïda au Maghreb islamique ») puis du chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar. Cette information n'était pas confirmée ce mardi du côté officiel français. Ceci alors que des journalistes de la presse française se plaignent régulièrement que « les médias (restent) tenus à l’écart par les autorités » et que « l’armée française conduit une guerre sans témoin », selon les termes du Télégramme de Brest lundi 4 mars. Le brouillard reste donc épais.Les pires alliésUn des secrets de polichinelle de l'intervention concerne la nature de cet allié qu’est le régime tchadien. Pour le Figaro, c'est « Le Tchad, précieux allié de la France au Mali ». Avec 2 000 hommes déployés dans le Nord du Mali, ce pays d’Afrique centrale fournit en effet le plus gros contingent de troupes derrière celui de la France. Or, le régime tchadien est l’un des pires de la région. Son armée, composée essentiellement sur des bases « ethniques », a été fréquemment critiquée par des organisations des droits de l’homme pour des attaques contre des populations civiles. Le recrutement d’enfants-soldats a aussi fait l’objet de critiques régulières, recrutement officiellement confirmé par le régime, qui a conclu un accord avec l’Unicef en 2007 sur les conditions de leur démobilisation. Selon une information publiée par RFI le 19 janvier 2013, les troupes du Tchad ont d’ailleurs été acheminées au Nord du Mali par l’armée du Congo-Brazzaville. Un autre régime « humaniste », responsable de massacres à grande échelle lorsque l’actuel président Denis Sassou Ngessou arriva au pouvoir au moyen d’une guerre civile en 1997…Le jeu de la puissance néocolonialeLa France a critiqué la barbarie des groupes djihadistes. Celle-ci est réelle sur le terrain. Un document trouvé par Libération et RFI à Tomboctou le confirme : Abdelmalek Droukdel, principal chef d’AQMI, aurait averti ses troupes contre les effets des cruautés appliquées au nom de la Charia. Dans un document rédigé de sa main, il aurait écrit : « La Charia prévoit le recours au fouet pour punir l’adultère, mais il nous faut d’abord commencer par sensibiliser la communauté et l’éduquer à l’islam, alors seulement nous pourrons envisager d’appliquer les punitions. »Reste que la France combat ces groupes au côté de régimes qui sont eux-mêmes des grands massacreurs. Reste que d’autres régimes alliés de la France appliquent les dites punitions au nom de la Charia, à commencer par le sinistre régime de l’Arabie Saoudite et dans une moindre mesure celui du Qatar. Reste aussi le risque de transformer à moyen terme des groupes, aujourd’hui perçus comme des oppresseurs par la population, en prétendus « résistants » puisqu’ils font face à la principale puissance néocoloniale de la région.Les talibans afghans étaient eux aussi craints de la population pour leur maniement du fouet. Aujourd’hui, douze ans après le début de l’intervention en Afghanistan, leur ancrage social a été renforcé, se présentant aux populations afghanes comme une force de résistance, masquant leur programme purement réactionnaire.Bertold du Ryon