Publié le Vendredi 23 mai 2025 à 08h00.

Mali, une dictature décomplexée

L’interdiction des partis politiques est une nouvelle étape dans l’affermissement d’une dictature incapable de juguler les attaques djihadistes.

Désormais au Mali l’ensemble des partis politiques sont dissous. C’était une préconisation du Conseil national de transition (CNT), l’organisme législatif mis en place par la junte qui s’est emparée du pouvoir en 2021. À cette époque le colonel Assimi Goïta s’était engagé à organiser des élections et à rendre le pouvoir aux civilEs. Depuis, les élections n’ont eu de cesse d’être reportées, le colonel est devenu général des armées, et le CNT préconise qu’il reste au pouvoir jusqu’en 2030.

Une longue succession

L’interdiction des partis est l’aboutissement d’une politique de restriction de l’espace démocratique. Au début, la junte avait déjà tenté d’interdire le parti SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance) car son dirigeant Oumar Mariko avait critiqué les agissements des forces armées maliennes contre les civilEs. Peu à peu, toutes les voix discordantes ont été pourchassées. Les youtubeurs, comme Ras Bath ou Rose-Vie Chère, sont derrière les barreaux ; des dignitaires religieux subissent le même sort. Ainsi l’imam Bandiougou Traoré a été arrêté pour avoir simplement critiqué un financement conséquent pour l’organisation d’un festival dans la ville de Kayes « alors que l’état des routes dans la région se dégrade chaque jour ».

La junte tente de terroriser les populations avec les disparitions d’activistes. Suite à la décision d’interdiction des partis politiques, un rassemblement de quelques centaines de personnes a eu lieu pour exiger le retour au pouvoir des civilEs. Depuis, nombre de manifestantEs sont enlevéEs. C’est le cas de deux dirigeantEs de l’opposition politique, Abba Alhassane et El Bachir Thiam, mais aussi de Abdoul Karim Traoré, dirigeant d’une organisation de jeunesse. En revanche, sur les réseaux sociaux, les partisans des putschistes peuvent appeler à la violence contre les opposants en toute impunité.

Les populations dans le viseur

Cette répression n’a pas qu’un caractère politique. Elle se situe également sur le terrain ethnique. Sous prétexte de lutte contre les djihadistes qui d’ailleurs se renforcent et gagnent du terrain, les forces armées maliennes, avec leurs supplétifs russes de Wagner, se rendent coupables de massacres de membres de la communauté peule. Récemment lors d’une opération de l’armée dans la ville de Diafarabé dans le centre du pays, une vingtaine d’hommes ont été interpellés et égorgés, comme ce fut le cas en avril pour les 60 hommes arrêtés et exécutés à Sébabougou.

La guerre extrême entre d’un côté les djihadistes et de l’autre les forces maliennes, place les populations dans un étau où elles subissent successivement les représailles des uns puis des autres.

Les putschistes lors de leur prise de pouvoir parlaient d’une seconde indépendance du Mali, il n’en est rien. S’il y a une similitude à trouver, c’est la période des années 1970-1980, celle de la dictature de Moussa Traoré renversée par une révolution populaire.

Paul Martial