Depuis le début de la rébellion des Touarègues, en janvier, et le coup d’État du 22 mars, le Mali s’enfonce dans une crise qui traduit la situation de désorganisation et de corruption laissée par une décennie de pouvoir d’Amadou Toumani Touré.Lors du coup d’État dirigé par le capitaine Sanogo, la Cedeao – qui regroupe les pays de l’Afrique de l’Ouest – avait rapidement ouvert un contre-feu en installant un pouvoir de transition autour de Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale. Le but étant d’éviter que les putschistes, soutenus par la gauche radicale malienne du Mouvement populaire du 22 mars (MP22), puissent s’installer durablement aux affaires.Ce pouvoir n’a pas de légitimité, le président Traoré qui s’est fait molester par des manifestants est toujours à Paris, quant au Premier ministre Cheick Modibo Diarra, il ne parvient pas à s’affirmer comme l’homme fort du Mali.Les présidents burkinabé et ivoirien, Blaise Compaoré et Alassane Ouattara, pour la Cedeao, souhaitent un gouvernement plus inclusif ; c’était le sens de la réunion de Ouagadougou, boycottée par les principaux protagonistes du pays.Dans la capitale malienne Bamako, les centres de décision sont multiples entre les militaires de la caserne de Kati d’où est parti le putsch, le MP22 qui garde une forte capacité de mobilisation des populations et le gouvernement de transition qui a le soutien de la Cedeao, même si les relations se dégradent au fur et mesure.Le Nord s’enfonce dans l’obscurantismeLes Touarègues, du mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui avaient lancé leur offensive et, avec l’aide des islamistes, mis en déroute l’armée malienne, se sont retrouvés peu à peu marginalisés par leurs anciens alliés. Ils avaient même tenté une fusion avec Ansar Dine, un autre groupe islamiste, qui avait échoué sur la question de la Charia. Son affaiblissement est dû principalement au manque de discipline de ses hommes qui, dès le début de la prise des villes, notamment à Gao, se sont livrés à des pillages et des viols et, à l’absence de soutien des autres communautés comme les Peuls ou les Songhaïs. Son manque de financement et d’armement lui a été fatal et a permis au Mujao (Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest), de l’expulser militairement de Gao, son dernier bastion. Ainsi le MNLA se retrouve-t-il marginalisé et a dû se replier des deux côtés du fleuve Niger, en Hombori, et le long de la frontière mauritanienne.Désormais les deux tiers du territoire du Mali sont aux mains de groupes islamistes créant une situation dramatique pour les populations soumises à la Charia avec une interdiction de mixité dans les lieux publics, d’écouter la musique, de regarder la télé, de jouer au foot. Les femmes doivent être entièrement voilées, des châtiments corporels sont infligés à ceux qui enfreignent les lois. Du côté social et sanitaire, les conditions s’altèrent : difficulté d’approvisionnement en médicaments, mais aussi en énergie et en eau ; ainsi, à Gao le choléra a fait son apparition, tuant deux personnes.À Tombouctou, les islamistes profanent des lieux saints. Sur les seize mausolées, sept ont été endommagés, la porte sacrée de la mosquée de Sidi Yahya a été complètement détruite. Leur but est d’accentuer l’oppression sur une population qui pratique un islam tolérant, d’obédience malikite intégrant les coutumes locales. Le bellicisme de la FranceLa France se comporte en chef de file des partisans d’une intervention militaire. Les soldats français entraînent les troupes de la Cedeao. Paris a déposé une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU autorisant de déploiement de forces armées, celle-ci a été repoussée. En effet, les USA ne considèrent pas la situation malienne comme un danger direct pour leur sécurité, de plus ils émettent de sérieux doutes sur les capacités militaires de la Cedeao, en l’absence de l’acteur majeur dans la région, l’Algérie, pays qui refuse une ingérence étrangère, a fortiori de la France, dans cette région. Alger considère que la phase de discussions et de négociations n’est pas encore épuisée et continue à déployer une intense activité diplomatique. Nombreux sont ceux qui considèrent qu’une intervention militaire ne peut résoudre durablement la situation dans le Nord tant que la crise sociale et politique au Mali, provoquée par des décennies de politique du FMI, ne trouve pas une solution qui soit satisfaisante pour les populations.