250 000 personnes ont manifesté samedi dernier à Berlin contre le racisme et pour la solidarité avec les migrantEs. Cette affluence a dépassé les espoirs des organisateurs, au départ des avocatEs travaillant à la défense des migrantEs, qui avaient annoncé ce rassemblement dès la fin août. Dans le cortège, très jeune mais pas seulement, la tonalité était « citoyenne » : on pouvait lire sur les pancartes « Pour une société ouverte et libre », « Le sauvetage en mer n’est pas un crime »…
Un collectif #Unteilbar (« Indivisibles ») s’était constitué, qui a grossi pour finalement rassembler 450 associations de tailles et caractères très divers – ONG, associations de handicapéEs, collectifs d’aide aux migrantEs et pro-asile, associations de locataires, petits cafés alternatifs, groupes de théâtre… Il avait déjà réuni des milliers de personnes à Hambourg et Munich les semaines précédentes.
Un cortège chaleureux et déterminé
Des groupes de syndicats locaux, dont celui de l’éducation et quelques-uns de l’IG-Metall, s’étaient ralliés à la manifestation berlinoise, ainsi que des grévistes de Ryanair, des personnalités… mais pas de partis politiques. Sahra Wagenknecht, figure de Die Linke et du nouveau mouvement « Aufstehen », qui voudrait copier la FI de Mélenchon, n’avait pas appelé au nom de son opposition à l’ouverture des frontières. Mais beaucoup de ses partisanEs, antiracistes, étaient dans la manifestation. Un cortège compact et débordant, chaleureux et déterminé. Joyeux aussi. Avec en particulier beaucoup de slogans contre Horst Seehofer, ministre de l’Intérieur, membre de la branche bavaroise CSU du parti CDU de Angela Merkel, qui s’illustre par ses propos anti-migrants (« L’immigration est la mère de tous les problèmes ») et a même déclaré récemment, face aux mobilisations musclées et chasses à l’étranger par l’extrême droite à Chemnitz en Saxe, que s’il n’avait pas été ministre, il aurait manifesté à leur côté...
Se faire entendre à la veille des élections en Bavière
Il s’agissait évidemment pour les manifestantEs de répondre aux provocations des groupes néo-nazis et à la poussée électorale de l’extrême droite, prédite par les sondages pour l’élection le lendemain du Parlement régional bavarois. Les résultats sont là : l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), formation d’extrême droite créée il y a 5 ans, qui construit son audience grandissante sur la dénonciation des migrantEs, obtient quelque 11 % des voix et entre pour la première fois au Parlement bavarois. Cette percée se fait essentiellement au détriment de la CSU (37 % contre 50 % précédemment) et de ce Seehofer qui la dirige. Les multiples sorties anti-migrantEs du chef de la CSU n’ont pas évité le siphonage de son électorat traditionnel par l’AfD. Les sociaux-démocrates du SPD perdent à peu près autant que la CSU et tombent à 9,5 % des voix, sanction manifeste de leur participation au gouvernement de coalition de Merkel. Ce sont les Verts qui font une percée, avec 19 % des voix, sur fond de mobilisations réussies dans le pays à l’appel d’écologistes (entre autres 50 000 personnes, huit jours auparavant, contre l’extension d’une mine à ciel ouvert géante près de Cologne). À noter que les Verts institutionnels, en Allemagne, présents dans les gouvernements de neuf Länder, sont, comme leur alter ego en France, coutumiers de bien des accommodements avec le pouvoir et les intérêts capitalistes...
Une situation qui se tend
Vagues d’espoir dans les rues, pour des frontières ouvertes ; flux montant de votes xénophobes et réactionnaires dans les urnes : telle est la situation, contrastée, en Allemagne. Nouvelle preuve est évidemment assénée qu’on ne lutte pas contre l’extrême droite en… reprenant ses idées nauséabondes ! La voie à suivre est certainement celle initiée par ces manifestations, qui consiste à montrer sa force dans la rue, à pousser l’organisation collective, contre ces frontières qui tuent mais aussi contre un système d’exploitation qui est le terreau des racismes et de la xénophobie.
Coline Boutrin