La radicalisation vers la droite du champ politique israélien suit malheureusement son cours. Dernier épisode en date : une mini-crise gouvernementale, qui a vu le Premier ministre Benyamin Netanyahou être lâché par l’un de ses alliés, le ministre de la Défense Avigdor Lieberman.
À l’origine du dernier épisode de surenchère à droite en Israël, la récente offensive aérienne à Gaza, qui faisait suite à des affrontements entre un commando des forces spéciales israéliennes infiltré (et découvert) dans la petite bande côtière. Des bombardements meurtriers ont eu lieu, ainsi que des destructions de bâtiments d’al-Aqsa TV, chaîne contrôlée par le Hamas, tandis que les groupes armés palestiniens tiraient plusieurs centaines de roquettes en direction d’Israël. Un épisode militaire violent mais de courte durée, qui s’est soldé par un cessez-le-feu de facto.
« Un abandon total au terrorisme »
C’est l’acceptation par Netanyahou de ce cessez-le-feu qui a conduit le ministre de la Défense d’extrême droite Avigdor Lieberman à quitter le gouvernement et à retirer le soutien des cinq députés de son mouvement à la coalition dirigée par Netanyahou. Pour Lieberman, ce dernier aurait fait preuve de faiblesse et le cessez-le-feu aurait été « un abandon total au terrorisme ». Également en cause, l’autorisation de transferts de fonds qataris et de carburant dans la bande de Gaza, qui devraient dépendre selon lui d’engagements du Hamas à « mettre fin à la violence ». En clair, Lieberman était favorable à un durcissement du blocus et à des opérations militaires de plus grande envergure, et a dès lors considéré les décisions de Netanyahou comme équivalent à une « capitulation ».
Avec le départ de Lieberman, Netanyahou ne dispose plus que d’une très courte majorité au Parlement israélien, la Knesset : 61 sièges sur 120. Il n’en fallait pas plus pour que d’autres se livrent à une surenchère, sans toutefois quitter le gouvernement, à l’instar de Naftali Bennett, leader de l’extrême droite religieuse pro-colons, regroupée dans son parti Le Foyer juif, et ministre de l’Éducation. Décidé à exercer une pression sur Netanyahou et à ne pas laisser le monopole de la radicalité belliqueuse à Lieberman, Bennett a ainsi vertement critiqué le Premier ministre et exigé le poste de ministre de la Défense, avant de rétropédaler en affirmant avoir obtenu des garanties de ce dernier, notamment à propos de de la colonisation et des destructions de villages.
Surenchère militaro-sécuritaire
Une ambiance générale où s’entremêlent manœuvres politiciennes entre des dirigeants qui, bien que coalisés, ne font pas mystère de leur détestation réciproque, et poursuite de la radicalisation vers l’extrême droite du champ politique israélien. Personne n’est en effet dupe du procès en gauchisme et en pacifisme qui est fait à Netanyahou : sa politique et son CV parlent d’eux-mêmes, et le cessez-le-feu provisoire avec Gaza tient davantage du pragmatisme que d’une quelconque volonté de faire un geste en direction des PalestinienEs. En convoquant la sacro-sainte sécurité de l’État au cours d’un discours martial prononcé le 18 novembre et en déclarant qu’il assumerait lui-même la fonction de ministre de la Défense, Netanyahou a provisoirement désamorcé la crise en évitant des élections anticipées et en qualifiant d’« irresponsables » ceux qui voudraient les convoquer.
Si le gouvernement Netanyahou n’est pas tombé, rien ne garantit toutefois que d’autres crises ne surviendront pas dans les prochaines semaines. La course électorale est de toute façon lancée, et les récents événements indiquent que la droite extrême et l’extrême droite sont déterminées à se livrer à une surenchère militaro-sécuritaire, en convoquant une fois de plus les « menaces existentielles » qui pèseraient sur Israël, de l’Iran à Gaza en passant par le mouvement international de soutien aux PalestinienEs. Poursuivi dans des affaires de corruption, Netanyahou est prêt à tout pour se maintenir au pouvoir, y compris déclencher ou provoquer des conflits militaires lorsqu’il estimera que les circonstances l’exigent. Une perspective inquiétante, mais qui doit nous convaincre de poursuivre sans relâche les efforts et la mobilisation pour que cesse toute forme de soutien politique, économique, diplomatique et militaire à l’État d’Israël, qui constitue encore et toujours une menace existentielle pour les peuples du Moyen-Orient.
Julien Salingue