Parti de Manhattan en septembre, le mouvement des Indignés aux États-Unis s’étend à travers le pays et rencontre le soutien de certains syndicats.
La colère produit une nouvelle vague de protestations à travers les États-Unis, tandis que les Américains assistent à l’augmentation du chômage, aux diminutions de salaire, aux coupes claires dans les budgets sociaux, dans le contexte d’une économie toujours plus en crise. Pendant ce temps, l’Amérique des multinationales engrange des profits records et la caste des « super riches » s’enrichit encore.
« Occupy Wall Street » a débuté en septembre quand des centaines de militants, jeunes pour la plupart, se sont rassemblés dans le quartier d’affaires de Manhattan et ont établi, 24 heures durant, un campement dans Zucotti Park – renommé Liberty Plaza en l’honneur de l’occupation de la place Tahrir en Égypte. Depuis – et notamment face aux images du gaz utilisé par la police contre des militants pacifiques – cette action nourrit l’imagination et la sympathie d’un grand nombre de gens qui partagent le rejet d’un système gouverné par le 1 % de « super riches », symbolisé par les banquiers et spéculateurs de Wall Street.
Occupy Wall Street incarne donc pour l’heure le mécontentement accumulé aux États-Unis. À New York, les rassemblements réguliers et les discussions politiques sur la Liberty Plaza prennent de plus en plus d’ampleur. Le 5 octobre, plus de 20 000 personnes – salariés, étudiants, chômeurs – ont manifesté dans le centre de Manhattan en scandant la réponse qui a fait mouche dans le pays : « nous sommes les 99 % ! » La combativité présente à Manhattan n’est pas tombée du ciel. Elle était déjà en toile de fond de la révolte du Wisconsin contre la répression syndicale menée par le gouverneur républicain Scott Walker, l’hiver dernier, et elle s’est retrouvée dans de nombreuses mobilisations depuis. Des joyeux piquets de grève de salariés des télécommunications à Verizon en août, aux blocages organisés par des dockers de la côte ouest, jusqu’à la contestation de l’ordre d’un juge par des enseignants en grève à Tacoma, la mobilisation est dans l’air, y compris parmi les salariés syndiqués. Cette atmosphère de révolte a évidemment été renforcée par la décision du bureau exécutif d’un important syndicat de salariés des transports de la ville de New York de soutenir Occupy Wall Street. Depuis, d’autres syndicats ont fait de même, et pas seulement à New York. Le mouvement s’étend désormais à d’autres villes – grandes et petites – à travers les États-Unis, rassemblant des centaines et parfois des milliers de manifestants à Los Angeles, San Francisco, Seattle, Washington DC, Portland, et même des villes du Sud comme Dallas et Austin. L’investissement de « Texas labor » dans la mobilisation signifie bien plus que des renforts en termes de manifestants. L’implication des syndicats crée la possibilité d’utiliser la force sociale que constituent les salariés dans la lutte pour obtenir des victoire simmédiates mais aussi dans la bataille de long terme pour une autre société.
Occupy Wall Street est une occasion de reconstruire les liens entre le mouvement syndical et la gauche, pour agir en commun. Le mouvement peut fournir un point de cristallisation pour des syndicalistes qui ont pu se sentir isolés dans leurs propres syndicats et lieux de travail et il peut aider à remettre en place des réseaux militants internes aux syndicats ou entre syndicats. Pour les presque 90 % de salariés non syndiqués, il peut procurer la motivation nécessaire pour s’organiser sur leurs lieux de travail. Et tous les militants du mouvement, syndiqués ou non, peuvent jouer un rôle crucial pour construire la solidarité nécessaire pour les épreuves de force qui s’annoncent déjà, aux côtés des enseignants de Chicago et Los Angeles ou des travailleurs du bus et du métro de New York.
Alors que la crise économique crée la panique dans les élites politiques et économiques, il est important que le mouvement exprime sa propre vision de la société, basée sur les besoins humains et pas sur les profits. Les militants doivent mettre en débat leurs priorités et leurs stratégies au niveau local. Mais ils doivent aussi prendre en compte la situation dans sa globalité, et notamment la nécessité de remobiliser un mouvement ouvrier capable de défendre les intérêts de tous les pauvres dans la lutte contre le « 1% ».
Nicole Colson (ISO), traduction Ingrid Hayes