Un point de vue palestinien sur le « plan Trump ».
D’après Trump, les Palestiniens ne repartent pas entièrement les mains vides. Leurs suzerains leur ont accordé un « État ». Sur « plus de deux fois la terre qu’ils contrôlent actuellement ». C’est tout du moins ce qui a été initialement relaté, et qui a contaminé les premiers reportages lors de l’annonce du plan, sans que personne ne s’arrête et pose une question évidente : deux fois rien, c’est quoi ?
D’après le plan, la question du territoire a été élaborée « dans l’esprit de la résolution 242 [du conseil de sécurité] de l’ONU ». Mais ceci suggérerait une forme d’adhésion aux frontières de 1967. Or, à en juger par les « cartes conceptuelles » en annexe du plan, il est difficile de penser que les frontières de 1967 aient seulement été considérées. En réalité, la priorité, telle qu’elle est visible dans ce plan, c’est la sécurité d’Israël. Dès lors, les Palestiniens n’obtiennent aucun contrôle sur les frontières pour entrer et sortir de la Cisjordanie.
En compensation, le « Plan économique de Trump » profitera aux réfugiés déjà présents et à ceux qui seraient absorbés dans « l’État de Palestine ». Ou « l’Empire de Palestine » ou « la Grande Palestine », ou quel que soit le nom que les Palestiniens veulent lui donner, un ensemble de zones non contiguës qui seraient reliées par des ponts, des tunnels et des routes. Nous obtenons des routes ! Ce doit être ce que Jared Kushner a appelé progrès économique. Les Palestiniens pourront aussi espérer une zone balnéaire au nord de la Mer Morte. Avec des détails de ce genre, il est facile de comprendre que le plan Trump atteigne les 180 pages.
Inapplicable
Ce plan est, bien sûr, inapplicable. C’est un non-point de départ, comme l’ont dit les Palestiniens depuis le début. Il viole toutes les lignes rouges établies par l’Autorité palestinienne, tous les principes signés en 1993 par l’Organisation de libération de la Palestine et toutes les résolutions du droit international.
Aucun dirigeant palestinien ne pourrait l’accepter. Aucun dirigeant palestinien ne l’acceptera. Tout dirigeant arabe qui le soutiendra verra sa réputation entachée.
C’est pire qu’une plaisanterie. C’est une insulte.
Les responsables de l’Autorité palestinienne – Mahmoud Abbas, dirigeant de l’AP, a parlé de « gifle du siècle » – et le porte-parole du Hamas ont comme prévu rejeté le plan d’un revers de la main. D’autres aussi ont été acerbes. B’Tselem, association de défense des droits humains, a déclaré que le plan ne changeait rien : « Ce que l’on "offre" à l’instant aux Palestiniens, ce ne sont pas des droits ni un État, mais une situation permanente d’apartheid. »
Matt Duss, conseiller en politique étrangère du candidat à la présidence US Bernie Sanders, a tweeté son « mot du jour » : « Bantoustan ». Et il a conseillé aux journalistes de parler à de « véritables Palestiniens ».
La présentation du plan avait des airs de menaces envers les Palestiniens. Ainsi, la « difficulté » à créer un État palestinien d’un seul bloc, étant donné l’étendue des colonies, a été mise en avant par un responsable de l’administration comme une raison pour que les Palestiniens se soumettent : « Si nous ne figeons pas les choses maintenant, je pense que leur chance d’obtenir un jour un État disparaît fondamentalement. »
Ce que ce responsable ne semble pas avoir un seul instant envisagé, c’est : et alors ? Si cette « chance » disparaît, Israël devra toujours vivre avec six millions de Palestiniens. Voilà la vérité qu’éludent ceux qui semblent penser que l’exercice du pouvoir fait tout : ce ne sera terminé que quand les Palestiniens diront que ça l’est. Pas avant.
Traduction J.S.