Le 27 février 2025, de l’île turque d’Imrali où il est détenu à l’isolement depuis 1999, Abdullah Öcalan, « Apo » (oncle) comme le nomment affectueusement les Kurdes, lançait un appel à la dissolution du PKK et à la fin de la lutte armée en Turquie. La réaction de stupéfaction d’une partie de l’opinion au niveau international montre à quel point l’évolution politique du PKK a été ignorée.
La dissolution a donc été actée lors d’un congrès extraordinaire, le 12 mai, qui s’est tenu en deux lieux différents (on n’est jamais trop prudent…). C’est l’aboutissement d’une démarche de recherche d’une solution politique à la question kurde qui dure depuis plus de 25 ans.
Une lutte contre l’oppression de plusieurs décennies
Lors de sa création en 1984, la population des régions kurdes vivait sous le joug du nationalisme turc et subissait une répression permanente dans sa vie politique et quotidienne : interdiction de parler sa langue maternelle, de se présenter aux élections en tant que parti kurde… La liste des interdictions était longue. Un exemple, en 1991, Leyla Zana, élue au Parlement turc, prononce une phrase en kurde : « Vive la paix entre le peuple turc et le peuple kurde ! » Cela lui vaut 15 ans de prison et de tortures. La seule expression politique restante était donc la lutte armée.
Dès le milieu des années 1990, le PKK cherche une alternative à la lutte armée. Lors de son procès en 1999, Abdullah Öcalan réaffirme son engagement pour une solution fédérale avec égalité des droits pour toutes et tous.
De multiples tentatives ont été faites par le PKK d’amorcer un dialogue avec le gouvernement turc, entre autres avec les militantEs de la paix qui descendaient des montagnes, mais le mur du nationalisme turc restait immuable, les partis kurdes dissous systématiquement : HEP, DEP, HADEP... Là aussi la liste est longue.
Ouverture et Printemps arabes
L’ouverture avait semblé possible au début de l’accession au pouvoir de R.T Erdogan, avec un début de négociations, mais tout cela a tourné court avec la révolution des pays arabes de 2011.
Le président turc y a vu une opportunité de regagner un rôle dominant au Moyen-Orient et a stoppé les négociations. Pendant ce temps, au Rojava, le nord-est de la Syrie, s’organisait un laboratoire des idées du PKK, une région autonome qui prônait l’égalité entre les hommes et les femmes, avec les combattantEs qui descendaient de la montagne Qandil et sauvaient les YezidiEs, défendaient Kobané tout en formant une alliance avec les tribus arabes pour former les FDS (Forces démocratiques syriennes). L’existence du Rojava ne semblait ne tenir qu’à un fil depuis l’invasion par la Turquie d’Afrin, au nord-ouest, puis de Serekanye, la mainmise sur l’eau par la Turquie de l’Euphrate. L’offensive djihadiste qui a renversé Assad a changé la donne.
La Turquie comptait sur ses mercenaires de l’ANS pour venir à bout du Rojava, les FDS ont tenu bon, Ahmed Al-Chaara n’a plus d’armée puisque Israël a pilonné toutes ses bases militaires, son seul souci était la levée des sanctions. C’est chose faite du côté US, l’Europe y viendra probablement.
La Turquie a cessé ses bombardements intensifs du Rojava et du nord de l’Irak, l’heure étant au développement d’une nouvelle route pour le pétrole et le gaz qui traverse le Kurdistan irakien, en alternative avec la route russo-chinoise.
Les enjeux économiques suffiront-ils à obtenir un règlement politique acceptable à la question kurde ? La balle est dans le camp d’Ankara qui n’a toujours pas libéré un seul des 12 000 prisonnierEs politiques qu’il détient, condition première d’une négociation sérieuse.
Mireille Court