Les élections présidentielles ont reconduit la droite pour un nouveau mandat de privatisations et de conservatisme. La gauche a subi une large défaite. Les élections présidentielles portugaises du 23 janvier dernier ont représenté une défaite pour toute la gauche, avec la réélection de Cavaco Silva, le dirigeant historique de la droite (Premier ministre de 1985 à 1995 et président de la République depuis 2006). Cavaco a obtenu presque 53 % des votes exprimés, malgré un taux d’abstention record (53,3 %). S’il est vrai que jusqu’à maintenant tous les présidents sortants ont été réélus, ces résultats indiquent néanmoins que Cavaco n’a pas gagné d’appuis significatifs pendant son premier mandat, et son image a subi une érosion visible pendant la campagne électorale, due aux liens personnels de Cavaco avec le scandale bancaire de la banque BPN qui était dirigée par ses anciens ministres. Le principal candidat de l’opposition, Manuel Alegre, soutenu par le Bloc de gauche, n’a obtenu que 20 % des voix. Alegre est un dirigeant historique du PS qui depuis quelques années a pris des positions contraires à celles de son parti, que celui-ci soit au gouvernement ou au Parlement. Entre 2005 et 2009, Alegre a voté, en tant que député, contre les lois sur le travail proposées par le PS (et soutenues par la droite), ou contre des projets qui visaient à détruire ou à attaquer férocement le service national de santé ou l’école publique. C’est précisément à cause de ces divergences qu’il a refusé d’être candidat aux législatives de 2009 sur les listes du PS. À la présidentielle de 2006, il s’était présenté non seulement comme candidat indépendant mais aussi contre le candidat officiel du PS, Mário Soares. Par la suite, Manuel Alegre a lancé des initiatives publiques de débat entre son secteur du PS, le Bloc de gauche, et d’autres activistes de gauche : deux forums publics ont eu lieu sur le thème de la défense des services publics contre les mesures libérales. Il s’agit d’initiatives inédites où différentes composantes de la gauche se sont rencontrées pour chercher des convergences concrètes dans la lutte sociale. À la suite de cela, Alegre a présenté en 2010 sa candidature à la présidentielle. La campagne s’est déroulée autour de deux axes fondamentaux : le refus du FMI et du chantage des marchés financiers, et la défense des services publics contre la privatisation et la libéralisation. Cette candidature a donné lieu auplus grand nombre de votes parmi les oppositions, mais n’a cependant pas réussi à imposer un second tour. L’analyse des voix montre que parmi les électeurs du PS, davantage ont voté pour Cavaco que pour Alegre. Le PS ayant porté son soutien à Alegre (à contre-cœur pour les principaux dirigeants, à défaut d’autres alternatives), le discours de celui-ci pendant la campagne contrastait avec la pratique gouvernementale du PS qu’il a d’ailleurs critiquée à plusieurs reprises. Le PC avait quant à lui présenté Francisco Lopes, le dirigeant qui succédera vraisemblablement à Jerónimo de Sousa. Bien que le scénario électoral lui soit favorable, il a perdu environ un tiers des voix obtenues par De Sousa en 2006. Le lendemain même des élections, le gouvernement a repris ses projets de privatisation des entreprises publiques et de changement des règles des licenciements, de manière à favoriser la libéralisation du marché de travail. Le Bloc de gauche a tout de suite répondu en appelant à de nouvelles journées nationales de luttes des syndicats et a annoncé l’initiative d’une journée de lutte contre le FMI et les mesures gouvernementales. Aujourd’hui même, le Bloc a présenté des propositions visant à réduire l’impôt sur les fameux « reçus verts ».1 Les mois à venir seront certainement très riches du point de vue des luttes sociales, et aussi des combats politiques. Il faudra une gauche plus forte et plus nombreuse pour faire face au « coup d´État dans les relations sociales », que Francisco Louçã, porte-parole du Bloc de gauche, accuse le gouvernement du PS de vouloir faire. Alda Sousa1. Il s’agit de travailleurs avec un emploi permanent, un patron, un horaire et qui sont payés comme des travailleurs indépendants. On estime à environ 1 million les travailleurs dans cette situation.