Mercredi 24 novembre, plus de 3 millions des 4,7 millions de salariés du privé et du public que compte le pays ont répondu à l’appel à une journée de grève générale lancé en commun, pour la première depuis 1988, par les deux confédérations syndicales, la CGTP proche du PC et l’UGT proche du PS. L’immense majorité de la population était aux côtés des grévistes, solidaire face aux mesures d’austérité imposées par le gouvernement socialiste de José Socrates avec le soutien de la droite. Cette lame de fond n’a pas pu s’exprimer massivement dans la rue, s’affirmer politiquement, les confédérations n’ayant pas appelé à manifester, cantonnant les travailleurs à se regrouper sur les piquets. Mais transports, ports, secteur public, écoles, universités, banques, tribunaux, hôpitaux, entreprises du privé… tout le pays était paralysé. Le monde du travail a affirmé sa force. Un profond sentiment d’injustice et de mépris rassemble la population : « Ce sont les travailleurs qui paient pour la crise pas les banquiers ni les actionnaires des grandes sociétés ». Pire, en fait, car ce sont bien ces derniers qui non seulement ne paient pas mais profitent de la crise dont ils sont les seuls responsables. Les 5 milliards économisés grâce au budget de 2011, l’austérité contre les travailleurs, serviront à payer les intérêts sur les prêts de ceux qui spéculent sur les difficultés de l’État qu’ils ont eux-mêmes créées. Au nom de la lutte contre le déficit budgétaire, la TVA va passer de 21 à 23 %, la masse salariale des fonctionnaires va baisser de 5 %, ce qui fera aussi pression sur les salaires du secteur privé, dans un pays où le salaire minimum est de 475 euros. Les pensions des retraités, déjà le plus souvent misérables, seront gelées, les prestations sociales plafonnées. L’État ne remplacera qu’un salarié sur deux partant à la retraite. Depuis des années, il multiplie les emplois précaires, en particulier dans l’Éducation et la santé. « C’est la seule façon de protéger le pays contre la turbulence des marchés financiers » prétend Socrates. Bien au contraire, c’est la seule façon de l’enfermer dans la soumission aux spéculateurs. Déjà, il est de plus en plus question de le mettre sous tutelle financière du FMI pour garantir que, malgré la ruine du pays entraînée par la politique du gouvernement et des financiers, ces derniers puissent continuer de prélever leur tribut. Les travailleurs l’ont bien compris. Les actions et les grèves se multiplient. Le 3, les travailleurs des impôts ont fait un jour de grève nationale avec manifestations, suivi par des grèves tournantes jusqu’à la fin du mois. Le 6, une manifestation de 100 000 fonctionnaires a eu lieu à Lisbonne. Le 17, c’était le tour des étudiants. Le 24 novembre, la grève générale a rassemblé les forces de la classe ouvrière, montré sa puissance. Le vendredi 26, deux jours après, le Parlement a définitivement adopté le budget d’austérité avec le soutien de la droite. C’est la réponse du gouvernement socialiste aux travailleurs, au pays. Une réponse qui ne peut qu’aggraver le chômage déjà à plus de 10 % (20 % chez les jeunes) et la pauvreté pour que les marchés financiers puissent continuer leur pillage. Une réponse qui appelle une suite au 24. Yvan Lemaitre