Le 13 mai dernier, un accord entre les représentants des détenus palestiniens et l’État israélien a été conclu sous égide égyptienne pour mettre un terme au mouvement historique de grève de la faim qui avait commencé il y a plus d’un mois et demi pour les premiers et qui a été suivie par plus de 1 500 prisonniers.À l’origine de cette grève, une situation dramatique pour l’ensemble des 4 700 Palestiniens détenus par les sionistes : visites interdites pour les prisonniers originaires de Gaza, isolement et régime de la détention administrative. Hérité du mandat britannique, ce statut permet à Israël de maintenir en détention sans motif toute personne soupçonnée de mettre en danger Israël. Renouvelable tous les six mois, cette détention est un des outils de répression en dehors de tout respect des droits les plus élémentaires.
Une fois lancée, la grève a pris une ampleur sans précédent. Débordant les cadres institutionnels aussi bien de l’autorité palestinienne que du Hamas, les prisonniers se sont constitués en comités coordonnés au niveau national. C’est bien cette auto-organisation de leur lutte autant que la peur d’une explosion de colère dans les territoires si l’un des prisonniers venait à mourir, qui ont obligé le gouvernement israélien à s’asseoir pour discuter avec les détenus. L’accord signé promet la fin de l’isolement, la possibilité pour les prisonniers de recevoir des visites et la non-reconduction des détentions administratives en cours. Cet accord est malgré tout soumis à deux compromis majeurs qui minorent la victoire des Palestiniens. Le premier est que la fin de la détention administrative ne sera effective que si de nouvelles preuves ne sont pas trouvées. Nul doute que la justice israélienne fera tout pour que les 310 détenus concernés restent en prison. Deuxièmement, cet accord sera suspendu si les détenus relancent une action de ce type. Israël s’est donc doté de solides garanties pour ne pas revivre ce type d’événements.
Les leçons à tirer de cette lutte sont multiples. Le premier élément qui doit retenir notre attention est évidemment la capacité de mobilisation intacte pour des pans entiers de Palestiniens. Un autre point important à prendre en compte porte sur la signification politique de cette grève : ce sont bien les politiques de négociation institutionnelles, de l’autorité palestinienne comme du Hamas, qui sont ici sanctionnées. Cette politique de normalisation, d’Oslo à la reconnaissance de l’État, qui ne change rien au quotidien des Palestiniens, ne correspond pas aux attentes de la base. Comme lors de la première intifada, les directions traditionnelles n’ont cessé de courir après le mouvement qui a su garder une grande part d’indépendance. Enfin, il va de soi que ce nouveau défi posé à Israël est un avertissement sur la marge de manœuvre du gouvernement actuel. Entre des directions palestiniennes en partie délégitimées, des pays voisins en pleine ébullition, les élections américaines de novembre prochain, Israël ne peut se permettre une contestation dans les territoires occupés.
En tant que militants pour l’émancipation, contre le colonialisme, le racisme, notre combat au côté du peuple palestinien a plus que jamais tout son sens. Ici et maintenant, notre priorité doit être de mettre la pression sur l’État sioniste en renforçant le plus possible la campagne BDS, créer le plus de collectifs possible partout en France et en faire une réussite qui redonne confiance à celles et ceux qui luttent là-bas au quotidien.
Antoine Chauvel