Salah Hamouri est palestinien comme son père, résident de Jérusalem Est occupée. Salah est français comme sa mère, originaire de Bourg-en-Bresse et professeur de français dans une école de Jérusalem. Salah a passé près de sept ans en prison pour un dossier vide, condamné par un tribunal militaire d’occupation après trois années de détention administrative. Mais Israël ne l’a pas condamné à l’âge de 20 ans par hasard : étudiant, il était déjà convaincu de devoir se mobiliser pour défendre les droits du peuple palestinien. Sept ans plus tard, c’est un militant conscient, réfléchi et déterminé que nous avons rencontré. Salah, tu es arrivé en France depuis trois semaines déjà, et tu as pu te rendre dans de nombreuses villes*, presque une par jour, pour rencontrer les comités qui avaient réclamé ta libération. Impressions ?C’est d’abord bien sûr une immense joie d’être avec les gens qui m’ont soutenu, qui ont réclamé ma libération (et celle de tous les prisonniers politiques) que je peux remercier pour leur combat. Je constate que les gens nombreux qui viennent à ces rendez-vous veulent savoir ; ils veulent savoir ce qu’est vraiment la vie des prisonniers palestiniens, les conditions de leur condamnation, les conditions de leur détention. Et moi, je leur apporte une confirmation : l’importance considérable du soutien à l’extérieur pour ceux qui vivent dans ces prisons. Tout le courrier n’arrive pas. Tous les messages n’arrivent pas. Mais beaucoup passent, des lettres arrivent. Ce sont autant de signes que nous ne sommes pas seuls. C’est déterminant pour nous. Je suis venu dire que votre défense des valeurs de l’être humain, c’est ce qui nous a permis d’effacer le mot désespoir de notre vocabulaire. L’actualité des prisons israéliennes, c’est la grève de la faim.C’est un mouvement extraordinaire qui est en train de se dérouler. Aujourd’hui, au 10e jour, 2 000 prisonniers sur 4 600 participent à ce mouvement. Il faut que vous l’imaginiez : pour que simultanément dans les 23 lieux de détention, autant de prisonniers participent à une même date à un tel mouvement, sur les mêmes revendications, malgré l’isolement, c’est près de deux ans de travail. Si un tel mouvement a pu être mis en place, c’est le signe de l’exaspération des prisonniers. 123 sont prisonniers depuis plus de 25 ans. On en compte 400 qui sont malades, dont 18 de cancers. Certains ont des handicaps lourds (chaises roulantes, handicapés mentaux, aveugles...). Des enfants ont été condamnés à cinq ans de prison pour des actes qui n’ont blessé personne, quand des colons prennent six mois pour avoir tué des Palestiniens ou sont acquittés pour « légitime défense ». Les revendications qui sont avancées doivent être connues et popularisées, car elles montrent ce que sont les prisons de la « seule démocratie du Moyen-Orient » :• Fin de l’isolement, qui est reconnu par les organismes internationaux comme une forme de torture ; cela concerne en ce moment 24 prisonniers. • Fin de la détention administrative, cela concerne 300 prisonniers pour lesquels aucune procédure judiciaire n’est engagée, simplement un avis sur le fait que leur mise en liberté présenterait un risque pour la sécurité nationale (c’est une formule qui date du mandat britannique !) ; une décision renouvelable de six mois en six mois, et cela peut durer des années et des années, sans jugement et sans avocat ! • Droit aux études et accès aux livres, en particulier pour les enfants ; il y a 90 enfants de 8 à 16 ans dans les prisons israéliennes, condamnés par des tribunaux militaires et ils sont actuellement interdits d’études et de lecture ; pas d’autorisation aux associations pour les rencontrer, pas d’autorisation aux adultes de les aider; six à sept mois parfois sans visite, et quand les parents viennent la rencontre se fait derrière une vitre et par téléphone ; Israël assassine l’enfance de ces enfants. • Droit de visite des familles pour les emprisonnés de Gaza (actuellement 400); les Gazaouis sont interdits de toute visite depuis des années.• Amélioration des conditions de détention qui sont franchement sordides. Quel est ton message au mouvement de solidarité en France ?Nous en sommes au 10e jour pour les 1 600 qui ont commencé la grève le 17 avril, d’autres se sont joints depuis. Il y a urgence absolue que partout dans le monde ce mouvement soit connu et soutenu, que les gouvernements du monde entier soient obligés d’interpeller Israël et mettre cet État devant ses responsabilités. Au-delà, vous avez une responsabilité pour l’élargissement du mouvement qui doit obtenir la fin de l’impunité d’Israël et son régime qui est pire que l’apartheid car il s’agit d’une volonté d’évacuer les Palestiniens. Pendant mon incarcération, les deux événements les plus importants ont été la victoire du peuple libanais en 2006 et le printemps arabe en cours, où des dictateurs qui avaient vendu les intérêts de leurs peuples ont été chassés. Votre première responsabilité ici, c’est d’obtenir un changement politique en France, que la France retrouve une attitude indépendante et cesse son alignement sur la politique des USA et d’Israël.* À Paris, est organisée une soirée de soutien aux prisonniers politiques palestiniens détenus en Israël, en violation flagrante du droit international (lire ci-contre dans l’agenda). Propos recueillis par Roger Devaneuse, le 26 avril