Publié le Mercredi 12 novembre 2025 à 14h00.

Soudan : Drame climatique, conflits armés, catastrophe humanitaire

Gravement fragilisé par des sécheresses et des inondations à répétition, le Soudan est le théâtre d’une guerre entretenue par les puissances régionales. Elles veulent contrôler ses ressources agricoles et minières au prix d’une catastrophe humanitaire aux conséquences dramatiques pour toute la région.

Le 26 octobre, la prise d’El-Fasher, capitale du Darfour du Nord (1 million d’habitantEs avant la guerre), par les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemedti, est l’épisode le plus sanglant des affrontements qui les opposent aux Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah Al-Burhan.

Crimes de guerre, viols, massacres ont conduit à une situation humanitaire désastreuse : 150 000 morts, 13 millions de déplacéEs et une famine à grande échelle. Sans autorité centrale unifiée, le Soudan est fragmenté entre zones d’influence militaire, communautaire ou rebelle. Les services de santé, d’eau et d’électricité sont paralysés, les travaux agricoles empêchés par les violences armées.

Ce conflit est la suite tragique de la prise de pouvoir par l’armée, après le soulèvement massif de 2018 qui a renversé le régime autocratique d’Omar el-Béchir. Faute d’une direction civile organisée et indépendante, la transition a été chaotique, ouvrant la voie à un coup d’État militaire en octobre 2021. Les rivalités entre factions armées pour contrôler les ressources du pays conduiront aux affrontements dévastateurs pour les populations civiles en avril 2023.

Victime du climat et des visées extractivistes

Le pays, classé parmi les plus vulnérables au dérèglement climatique, subit des conditions climatiques extrêmes qui ont amplifié les tensions entre les communautés soudanaises. La dégradation des sols et l’épuisement des nappes phréatiques entraînent une forte baisse du rendement agricole et poussent les populations rurales vers les villes, où elles vivent dans l’insécurité et la misère. Ces nouvelles conditions climatiques ont fragilisé les ressources alimentaires du pays. Ancien « grenier de l’Afrique », le Soudan devient importateur net de blé et de denrées de base dès 2015.

Le triplement du prix du pain en 2018, déclencheur du mouvement populaire, marque l’ampleur de la crise écologique, hydrique et agricole. Le soulèvement fut une révolution climatique autant que démocratique.

Les richesses agricoles et minières du Soudan, sa position stratégique sur la mer Rouge et son influence dans le bassin du Nil ont attisé les convoitises de ses voisins. L’Égypte, le Qatar et la Turquie soutiennent l’armée régulière (FAS). Les FSR sont massivement soutenues par les Émirats arabes unis, qui fournissent armes, argent et soutien logistique. Leurs objectifs sont les mêmes : extorquer les richesses du Soudan et placer leurs pions pour l’après-guerre. La bataille pour l’or, principale source de revenus des milices armées, symbolise cet extractivisme mortifère. Sans oublier les menaces sur le partage des eaux du Nil, essentielles pour l’agriculture soudanaise.

Pour briser le mur du silence, la solidarité est indispensable

Ainsi, nouvelles conditions climatiques, pressions extractivistes et violences guerrières frappent de plein fouet les populations soudanaises — et leurs voisins — dans le silence complice des États et des institutions internationales.

Malgré tout, les comités de résistance, issus de la révolution de 2018, poursuivent leur travail de solidarité et de survie. Dans les quartiers populaires et les camps de déplacéEs, des réseaux souvent portés par des femmes gèrent des cuisines communautaires, des cliniques de fortune, des chaînes d’entraide. Pour les soutenir, exigeons que nos gouvernements stoppent les ventes d’armes et leur appui aux milices et à leurs alliés. Dénonçons les entreprises qui pillent les ressources du Soudan. Multiplions les initiatives pour faire entendre la voix des syndicats indépendants, des mouvements féministes et des comités de résistance qui réclament un régime civil, le démantèlement des milices et un cessez-le-feu immédiat.

Dominique B. (81 Sud Tarn)