Un air de fin de règne semble enfin souffler sur la Syrie. Signe édifiant du flottement de la dictature, des employés de l’État ont été réquisitionnés pour le démontage des statues d‘Hafez al Assad, symboles oppressants du pouvoir, érigés dans chaque ville. Devançant une colère populaire qui ne cesse de grandir malgré la répression, le pouvoir, tant bien que mal, tente de sauver les meubles. C’est dans le grand amphi de l’université de Damas, devant un auditoire à sa botte, que le président, dans un discours fleuve, a une nouvelle fois tenté de désamorcer la contestation. Après l’habituelle théorie du complot, toujours invoquée pour justifier l’insoutenable répression, puis les menaces contre les « responsables des effusions de sang qui devront rendre des comptes », les téléspectateurs syriens ont eu droit à un appel au « dialogue national ».
Tentant enfin de reprendre la main sur une situation politique qui lui échappe, le pouvoir essaie de gagner du temps, en annonçant la tenue d’élections législatives au mois d’août, suivies en septembre d’une réforme constitutionnelle. L’abrogation de l’article de la Constitution assurant l’hégémonie du parti Baas, principale revendication de l’opposition, est clairement évoquée. De tels engagements, pris il y a six mois, auraient pu satisfaire pour partie l’opposition... ils ne sont plus audibles aujourd’hui. La révolte populaire ne craint plus la répression, et des manifestations se sont déroulées le soir même de l’allocution présidentielle exigeant encore et toujours, la fin du régime ! Entraînée par une dynamique qu’elle ne contrôle plus, la présidence a annoncé mardi 21 juin une nouvelle loi d’amnistie générale. Cette mesure (importante) a pourtant peu de chance d’être jugée suffisante par l’opposition.
Mise en grande difficulté par la persistance d’un mouvement social ininterrompu depuis plus de quatre mois, la dictature conserve néanmoins des atouts et un pouvoir de nuisance que lui confère la place particulière de la Syrie dans la région. Les affrontements intercommunautaires entre alaouites et sunnites qui ont éclaté à Tripoli, capitale du Nord-Liban le 17 juin, sont directement liés à la situation en Syrie. Ils ne constituent qu’un avertissement limité de ce qu’il pourrait advenir en cas de déstabilisation du régime de Damas. Le gouvernement turc pour sa part ne cache pas sa volonté d’utiliser l’affaiblissement actuel de son voisin du Sud, pour exercer des pressions visant à faire nommer un membre des Frères musulmans au poste de Premier ministre.
Plus personne ne doute, Bachar al Assad le premier, que les jours de la dictature sont aujourd’hui comptés. L’avenir de la Syrie doit être décidé par les Syriens eux-mêmes, en dehors de toute pression, qu’elles viennent des États ou de faux amis. C’est le sens du rejet par l’ensemble des organisations syriennes de toute ingérence impérialiste et de toute opération militaire, comme le suggèrent les va-t-en guerre regroupés autour de Bernard-Henri Lévy.
Alain Pojolat