Publié le Samedi 22 mars 2025 à 15h00.

Syrie, le retour de l’État autoritaire ?

Le président par intérim, Ahmed Al-Charaa, a signé le 10 mars un accord avec Mazlum Abdi, commandant des FDS (Forces démocratiques syriennes), qui semble établir une reconnaissance au moins partielle de l’autonomie de la région gouvernée par l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie.

 

Il accepte l’intégration à l’armée syrienne d’une partie des FDS et il stipule que les forces gouvernementales officielles ne rentrent pas dans la région gouvernée par l’AANES (Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie), et que la police de l’administration autonome, les Assayech, serait intégralement maintenue et reconnue. Il faut dire que la signature de cet accord est intervenue juste après les massacres des civilEs alaouites, à l’ouest de la Syrie, perpétrés par des brigades djihadistes et par des unités de la nouvelle armée syrienne. Ils ont sérieusement mis à mal les négociations avec les pays occidentaux. Or, la levée des sanctions est d’une importance vitale pour le nouveau régime : les centaines de milliers de réfugiéEs syrienNEs, qui rentrent souvent contraints et forcés par la Turquie, retrouvent leurs maisons en ruines, mais il n’y a pas de matériaux pour la reconstruction ; les denrées alimentaires manquent et la livre syrienne est au plus bas. Donc, il semblait logique qu’HTS (Hayat Tahrir al-Cham, le groupe islamiste dirigé par Al-Charaa) fasse quelques ­concessions pour rassurer les bailleurs occidentaux. 

Le président s’arroge tous les pouvoirs

Après avoir soufflé un peu de chaud, Al-Charaa a présenté son projet de Constitution pour le pays, qui souffle clairement le froid. Ce projet stipule que la tête de l’État sera musulmane, la population syrienne étant très majoritairement musulmane et sunnite. L’Assemblée nationale, dont un tiers sera directement désigné par le président, aura ses deux autres tiers désignés par un comité lui-même désigné… par le président. La langue officielle sera l’arabe, sans mention des autres langues. Ce texte rejette toute idée de fédération même s’il assure que les droits des minorités ethniques et religieuses seront respectés. Le judiciaire sera indépendant, mais la Haute Cour sera composée de membres désignés par le président. La loi appliquée sera la loi islamique.

Le droit des femmes sera respecté et « protégera leur rôle dans la famille ». Il s’agit donc d’un régime où le président Al-Charaa a de fait tous les pouvoirs, en attendant d’hypothétiques élections promises pour dans cinq ans. 

Opposition kurde au Nord, attaques d’Israël au Sud

Bien évidemment, le PYD a publié une déclaration affirmant « qu’il rejetait ce document […], qu’il s’opposait à tout rétablissement de la dictature et exigeait une révision du projet de Constitution. Les autorités de transition à Damas ont entrepris une nouvelle démarche décevante pour le peuple syrien dans toutes ses composantes, à travers ce qu’on appelle le document de l’annonce constitutionnelle, qui a été rédigé par un comité formé sans aucune représentation des composantes syriennes, ne reflétant qu’une seule couleur qui ne correspond ni aux aspirations du peuple syrien en matière de transformation et de changement démocratique, ni à l’exclusion et à la négation des vérités et de l’histoire des composantes syriennes. […] » 

Pendant ce temps, Israël continue à bombarder la Syrie. Après avoir anéanti toutes les capacités militaires syriennes, avions et dépôts de munitions, Israël s’attaque maintenant aux militantEs en bombardant à l’intérieur de Damas. L’armée israélienne occupe de nouvelles portions du Golan et le Mont Hermon, qui domine tout le sud du pays, à 40 kilomètres de Damas.

Mireille Court