Selon l’Observatoire syrien des droits humains (OSDH), plus de 3 000 civils et militaires sont morts durant le seul mois de septembre, le plus meurtrier de l’année.
La guerre continue et les souffrances ne diminuent pas sur le terrain. Les aviations russe et syrienne ont intensifié leurs bombardements depuis le mois de septembre en soutien aux campagnes militaires des troupes pro-gouvernementales dans plusieurs régions : Deraa, Deir ez-Zor, Hama, Homs, la Ghouta orientale, Idlib. Les États-Unis ne sont pas en reste, particulièrement dans la campagne de Raqqa.
Raqqa, l’EI dehors, mais…
L’EI a été expulsé de la ville de Raqqa par les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants (Kurdes, Arabes, Syriaques) dominée par les YPG, branche armée du PYD, avec le soutien de l’aviation de la coalition internationale. Cette défaite est certainement une bonne nouvelle, mais le coût humain, comme à Mossoul il y a quelques mois, est terrible.
La ville est à plus de 80 % détruite et/ou inhabitable et les infrastructures de base sont désormais quasi inexistantes, sans parler des graves pénuries de nourriture, médicaments, électricité, eau potable et produits de première nécessité. Il faut aussi souligner une méfiance parmi certains secteurs de la population locale arabe contre les FDS.
En quatre mois, les combats ont causé la mort de plus de 1 500 civils. On estime que 270 000 personnes ont été déplacées : elles ne pourront pas revenir tant que la ville n’aura pas été débarrassée des mines et explosifs disséminés par l’EI.
Avec la perte de Raqqa, l’EI ne contrôle désormais plus que 10 % du territoire syrien – contre 33 % en début d’année –, dont plus de la moitié de la province de Deir ez-Zor, voisine de celle de Raqqa. L’EI est d’ailleurs la cible de deux offensives distinctes à Deir ez-Zor : l’une menée par les troupes du régime et ses alliés, soutenus par la Russie, l’autre par les FDS soutenues par les États-Unis. Cette double offensive n’a pas empêché l’EI de multiplier les attaques-suicides et attentats aux voitures piégées dans différentes régions dans le pays.
Idlib et Afrin dans le viseur d’Ankara
L’armée turque s’est déployée dans la province d’Idlib, dans le nord de la Syrie, en y installant des postes d’observation dans le cadre d’une mission de contrôle des troupes des FDS, alors qu’initialement il s’agissait plutôt de déloger Tahrir al-Cham, une alliance militaire dominée par les djihadistes de Jabhat al-Nusra. Ce déploiement militaire turc avec des groupes de l’opposition armée syrienne entrait dans le cadre des accords dit de « désescalade » conclu avec l’Iran et la Russie. Ce nouveau déploiement à la frontière devrait permettre d’isoler la ville d’Afrin controlée par les FDS. Le quotidien progouvernemental Yeni Safak n’a d’ailleurs pas hésité à titrer en une de son édition à cette période : « Aujourd’hui Idlib, demain Afrin ».
Des résistances populaires néanmoins…
Cette guerre sans fin contre le peuple syrien n’empêche pas la survivance d’actions de résistance populaire. Le 14 octobre dernier, des manifestations significatives ont eu lieu dans les provinces d’Idlib, Homs, la Ghouta orientale et plusieurs autres villes pour la « journée de rage », malgré les bombardements du régime et de la Russie et la menace de groupes fondamentalistes islamiques souvent opposés à ces mobilisations et n’hésitant pas à réprimer activistes et autres secteurs de la société civile. Quelques jours plus tôt, le 11 octobre, une grève de nombreux commerçants et travailleurs avait été déclarée dans la ville d’Idlib contre les autorités de l’alliance djihadiste de Tahir al-Cham, demandant leur démission et que leurs forces de sécurité retirent les masques et les cagoules qui dissimulent leur identité. À la prison centrale de Homs, 500 prisonniers politiques se sont mis en grève de la faim à la mi-octobre pour exiger une action internationale pour leur libération alors qu’ils sont sous la menace d’une répression majeure d’un régime toujours aux abois.
Joseph Daher