Le 14 février, Nikolas Cruz, 19 ans, s’est rendu dans le groupe scolaire Marjory Stoneman Douglas à Parkland, en Floride, et a abattu 17 élèves et membres du personnel. Deux semaines plus tard, une mobilisation inédite se développe aux États-Unis.
La première réaction de la classe politique étatsunienne a été d’envoyer ses pensées et prières aux survivantEs et familles des victimes. Mais alors que les politiciens les plus conservateurs ont tenté de maintenir le débat au niveau de la solidarité affective, des survivantEs du massacre ainsi que des dizaines de milliers d’autres lycéenEs, en soutien d’un peu partout aux États-Unis, ont organisé des débrayages et des manifestations pour poser publiquement la question de la violence par armes à feu dans la société américaine.
Armer les enseignants ou désarmer la police ?
Le président Donald Trump, comme à son habitude, a commencé par tenter d’étouffer le débat, puis a sorti de son chapeau une mesure aussi inapplicable que réactionnaire : armer les enseignantEs pour faire face aux tueries dans les établissements scolaires. Les survivantEs de Parkland ne se sont pas tus et ont souligné l’hypocrisie du président : lui-même et nombre de ses collègues du parti Républicain sont directement financés par le lobby des armes à feu, la National Rifle Association (NRA).
Les Démocrates, qui représentent une Amérique plus jeune et plus urbaine, ont mis en avant un certain nombre de propositions (vérifications supplémentaires des antécédents psychiatriques de l’acheteur, limitations du type d’armes commercialisées, etc.) allant dans le sens d’un plus grand contrôle de l’État sur les armes à feu. Mais la question des tueries scolaires a relancé un débat beaucoup plus large sur la question de la violence par armes à feu dans la société étatsunienne dans son ensemble, avec un mouvement qui devra nécessairement se séparer des Démocrates et poser la question des meurtres par armes à feu commis par la police. Le mouvement Black Lives Matter (« Pour que les vies noires comptent »), né après les manifestations et émeutes de Ferguson en réaction à la mort de Michael Brown en 2014, souligne que depuis début janvier, 300 noirs ont été tués par la police.
Une société violente, malade du capitalisme
Un des arguments utilisés pour expliquer le nombre important de meurtres par armes à feu aux États-Unis est l’argument « culturel » : les États-Unis seraient une société violente car pionnière, aux confins de la civilisation. La violence y serait inévitable. Mais s’il y a une violence présente dans la société étatsunienne, elle ne vient pas de son caractère pionnier mais plutôt de l’extrême brutalité avec laquelle la classe dirigeante se maintient au pouvoir depuis deux siècles.
La société étatsunienne est née dans le massacre des Indiens et les bûchers pour les femmes accusées de sorcellerie, a prospéré par l’esclavage, a mis en place la ségrégation puis l’incarcération de masse.
La violence de la société étatsunienne est avant tout raciste et patriarcale. Comment expliquer sinon que la majorité des auteurs des tueries scolaires soient des hommes blancs, liés plus ou moins à l’extrême droite suprématiste blanche, si l’on ne comprend pas l’idéologie meurtrière raciste et masculiniste qui les engendre périodiquement comme des monstres ?
La seule solution pour mettre fin aux massacres dans les écoles, et à la violence inouïe qui règne dans la société américaine, c’est remettre en cause l’idéologie raciste et patriarcale qui sous-tend le capitalisme américain. La mobilisation actuelle porte une charge subversive importante du fait de sa capacité à s’élargir et à critiquer cette violence dans son ensemble.
Stan Miller