Le gouvernement a donné la possibilité à ceux qui détiennent des avoirs dans les paradis fiscaux de régulariser leur situation vis-à-vis du fisc à moindre coût. Mais peu de volontaires se sont signalés…
Le ministre du Budget, Eric Woerth, l’avait lui-même reconnu en octobre, c’est « parce que les opinions publiques sont très troublées » qu’il avait pris l’initiative d’une réunion des ministres de l’OCDE sur les paradis fiscaux. Pour les mêmes raisons, le G20, le 3 avril à Londres, a fait mine de s’attaquer à ces places off-shore, où fortunes et entreprises placent leur argent afin d’échapper au fisc de leur pays.
Nouveau geste, Eric Woerth, en présentant les nouvelles déclarations d’impôts, a lancé un appel à ceux qui possèdent de l’argent dans les paradis fiscaux pour qu’ils régularisent leur situation. « Ce n*fest pas une amnistie », a-t-il précisé.
Certes, mais le gouvernement a promis toute sa bienveillance aux fraudeurs : sera mise en place une cellule administrative spéciale auprès de laquelle ils pourront, dans l’anonymat, se renseigner avant de décider s’ils régularisent leur situation. Pour ce faire, il leur suffira de s’acquitter des impôts qu’ils doivent – mais trois ans en arrière seulement pour l’impôt sur le revenu, six ans pour l’ISF –, des intérêts de retard (0,40% par mois) et de pénalités dont Eric Woerth leur a assuré qu’elles seront aménagées. Malgré ces facilités, les volontaires ne se sont pas précipités. 250 personnes se seraient informées, et une trentaine de dossiers seraient à l’étude…
A l’évidence, beaucoup plus nombreux sont ceux qui ont décidé de ne pas régulariser leur situation. Il est vrai que les menaces du ministre ne sont guère effrayantes. Ils se « mettraient dans des situations compliquées », a-t-il dit, en cas de contrôle dans les prochaines années. Autrement dit, ils peuvent se sentir tranquilles car ce n’est pas demain que le secret bancaire risque d’être levé.
Le montant total des sommes abritées par les paradis fiscaux s’élèverait, selon plusieurs estimations, entre 7300 milliards de dollars et 11500 milliards d'euros. Le G20, le 3 avril, a établi des listes de pays abritant des paradis fiscaux. C’est à bon droit que la Belgique, la Suisse ou le Luxembourg, qui figurent sur une liste « grise », ont dénoncé le fait que les îles anglo-normandes (Grande-Bretagne), les îles vierges américaines (Etats-Unis), Chypre, Malte, Jersey ou Gibraltar ont pu figurer, elles, sur des listes « blanches ». Quant à Hongkong ou Macao, elles ne figurent sur aucune liste.
D’après Alternatives économiques, les entreprises du CAC40 comptent 1500 filiales dans les paradis fiscaux, dont 361 pour les trois banques BNP-Paribas, Crédit agricole et Société générale. Mais Woerth, interrogé à ce sujet, a déclaré : « Je ne vais pas faire haro sur les patrons, ce qui m'intéresse, c'est la fraude dans son ensemble. » Cet « ensemble » représenterait 30 à 40 milliards.
Mais Woerth préfère pointer du doigt la fraude sur le RMI que s’attaquer au CAC 40. Il préfère aussi, quand il parle budget, déficit et dette, s’attaquer à la « dépense publique ». « Une des priorités, a-t-il précisé, c'est de continuer à réduire les effectifs de la fonction publique, même en période de chômage. » Avec la suppression programmée de 35000 postes dans la fonction publique, qui fera économiser à l’Etat… 956 millions d’euros !