Après l’avoir, comme d’autres, incluse dans ses promesses de campagne, le gouvernement Macron a promis une loi bioéthique pour janvier 2019, dans laquelle serait intégrée la procréation médicalement assisté (PMA), peu de temps après l’avis favorable du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE), rendu en septembre 2018 (et attendu depuis plus de quatre ans).
Cette loi n’est pour l’instant pas sur la table. Elle doit être présentée d’ici à la fin de l’année pour commencer les débats parlementaires en janvier 2019. Autrement dit, il peut se passer encore bien des choses d’ici là…
Ménager les homophobes ?
Si le gouvernement semble plutôt décidé, pour l’instant, à faire adopter la loi, il semble aussi décidé à ce qu’elle se passe dans la douleur... pour les lesbiennes. On se souvient encore des mots de Macron sur les gens de la Manif pour tous, selon lui « humiliés » en 2013. Il s’agit ici pour le gouvernement surtout de caresser les homophobes dans le sens du poil, c’est dans ce sens qu’il faut comprendre les propos de la ministre de la Santé Agnès Buzyn déclarant, il y a peu, qu’il ne fallait surtout pas présenter la loi comme une victoire d’un camp sur un autre. C’est certain que de victoire, il n’y en aura guère, tant ces dernières années ont été marquées par un retour à l’ordre moral pour les femmes et les LGBTI.
D’ailleurs, les lesbiennes sont presque inexistantes dans le débat, invisibilisées comme dans l’ensemble de la société. Ainsi les opposants à la PMA sont invités en grande pompe dans tous les médias, c’est sur la Manif pour tous que l’on fait ses titres, comme l’a montré la « Une » de Libération le 9 octobre dernier. L’affaire n’est pas nouvelle, et on se souvient encore de la séquence du débat sur le mariage pour touTEs, où les médias avaient largement contribué à libérer la parole homophobe en invitant les tenants de la Manif pour tous.
Lesbiennes invisibilisées
Mais les lesbiennes ont aussi été invisibilisées dans le mouvement LGBTI, y compris ces dernières années, et nous nous sommes retrouvées bien seules dans le combat. Dans le débat médiatique, comme lors du débat parlementaire en 2013, il faudra inviter les médecins, les spécialistes, psychologues, anthropologues et autres, afin de prouver encore une fois que nous sommes bien adaptables à la République, au modèle hétéronormatif et patriarcal de la famille. Il faudra voir si les lesbiennes sont bien intégrables au système capitaliste et à son modèle de famille, et on pourra entendre encore les réactionnaires disserter sur le corps des femmes, sur leur qualité de mère, etc.
Non seulement les lesbiennes qui font le choix de construire des familles ne seront pas entendues, mais presque personne ne fera ouvertement remarquer que le problème n’est pas de savoir si deux mères peuvent construire une famille, mais bien que le modèle familial aujourd’hui n’est pas un cadre de bien-être, qu’il est principalement un cadre d’oppression et un cadre de violences : pour les femmes, pour les enfants, pour les personnes LGBTI. Or il faut l’affirmer : nous devons en finir avec ce modèle de famille. Et à ce titre, nous n’aurons rien à attendre de l’État et du gouvernement, puisque nous l’avons vu, même lors d’un cas de stérilité, une lesbienne n’a toujours pas le droit à une PMA, comme l’a récemment tranché le Conseil d’État : exclure les lesbiennes ne serait pas discriminatoire. Là encore, nous ne pourrons compter que sur nos propres forces.
Mim Effe