Tout le syndicalisme est traversé par des débats intenses sur l'absence de suites au 19 mars.
Les directions syndicales sont-elles coupées du salariat en attente de nouvelles perspectives, comme le laisse penser un sondage BVA d'après-19 mars ? Rarement, on aura vu une telle floraison de motions, d'appels, d'assemblées, exprimant inquiétude ou colère, avec des décisions locales passant aux actes. Mais un autre sondage Ifop montre aussi que, si les secteurs combatifs refusent d'attendre, une partie du salariat tourne maintenant son espoir vers le syndicalisme (57% d'opinions positives globales, 60% chez les ouvriers, 65% pour les moins de 35 ans), y compris les jeunes. Les deux mouvements (colère des plus combatifs, espoir des secteurs « neufs ») ne se contredisent d'ailleurs pas.
La réunion nationale extraordinaire des structures CGT, le 1er avril, a confirmé les critiques et le besoin de discussion. La secrétaire confédérale, Maryse Dumas, ne fait pas mystère du nombre élevé d'interpellations. Mais, parmi elles, les propositions concrètes sont difficiles à formuler et à faire converger pour s'imposer. S'il ne fait pas de doute qu'une partie de l'intersyndicale nationale ne veut absolument pas de confrontation, toute la question est de savoir comment exercer la meilleure pression sans diviser ou sans s'isoler.
L'exigence de précision revendicative (le B-A-BA du syndicalisme) est, de ce point de vue, décisive. Mais même la CGT ne cherche pas à détacher, pour mener le débat, quelques revendications précises (que ses militants soutiennent souvent sur le terrain, comme les 200 euros). Elle s'en tient à une exigence de « négociation », mais sur quoi ? Seul le bureau national de Solidaires met en avant « cinq mesures d'urgence » (licenciements, salaires, services publics, fiscalité, statut salarial) et défend la « grève générale interprofessionnelle ». Car « ne pas la proposer […], c'est faire en sorte qu'elle n'ait pas lieu ». Solidaires défend le « pluralisme » du débat syndical et appuie la construction de « collectifs » militants diversifiés. Pour autant, Solidaires reste dans l'intersyndicale. C'est décisif, alors que certaines structures se posent la question de l'efficacité de l'unité, y compris dans les rangs de la CGT.
Commencent à s'accumuler les dates d'actions locales unitaires : le 8 avril, au Havre et à Auxerre, le 14 avril, à Besançon, le 29, dans le Val-d'Oise. La CGT a d'ailleurs annoncé un mois d'avril très « occupé », laissant entendre que cela ferait pression pour une nouvelle grève courant mai. A Paris, l'assemblée des syndiqués CGT a discuté d'une initiative. D'autres secteurs estiment, au contraire, que l'échelon local est vain, car la réponse ne peut être que globale. Parce que, comme le dit Pascale Montel, des métaux CGT du Nord (La Voix du Nord, 5 avril): « C'est aujourd'hui qu'on licencie, qu'on casse les taules, qu'il y a des pertes de salaires de 300 euros pour certains salariés. Ce n'est pas en se battant seuls qu'on peut gagner. »