D’après une enquête de Libération1, les CRS ont continué à utiliser des munitions réputées dangereuses (« aux risques avérés par des expertises balistiques »), notamment lors de manifestations de Gilets jaunes...
En 2016, au moment d’abandonner le Flash-Ball, les autorités affirment qu’un autre fusil est bien plus précis : le LBD 40. Il est alors utilisé avec une munition appelée CTS, qui peut être tirée de 10 à 50 mètres, mais le commandement envisage de la remplacer par la MDU (munition de défense unique) qui peut être tirée de 3 à 35 mètres.
Or des essais réalisés par le Centre de recherche et d’expertise de la logistique (CREL) font apparaître d’importantes déviations verticales. La CTS monte jusqu’à 15 cm au-dessus du point visé, tandis que la MDU monte à plus de 8 cm : un tir visant le haut du torse d’une personne risque donc de frapper le cou, voire le visage. Fin 2016, considérant pourtant que sa précision est suffisante, le rapport préconise l’abandon de la munition CTS au profit de la MDU.
Mais cela ne va pas se passer comme cela ! La proposition va d’abord se heurter au lobbying des CRS pour conserver la munition CTS, prétextant que la MDU serait plus dangereuse et que « la portée maximale opérationnelle réduirait le maintien à distance des agresseurs ». De plus, la hiérarchie va se montrer particulièrement désinvolte, et près de deux ans plus tard, il apparaît que les CRS ont pu conserver la munition CTS conjointement à la MDU.
Or c’est un écart vertical de l’ordre de 20 cm pour la munition CTS qui est repéré d’après des tests réalisés dans l’affaire Jérôme Rodrigues, militant Gilet jaune éborgné en janvier 2019. Pour les seules années 2018 et 2019, des ophtalmologues ont recensé 40 blessures oculaires irréversibles en France, majoritairement causées par des tirs de LBD.
- 1. Ismaël Halissat et Antoine Schirer, « Des LBD aux munitions imprécises et dangereuses : la police savait, mais a laissé faire », Libération, 5 juin 2023.