Ce 20 novembre, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian devait présider les cérémonies de transfert des cendres du général Bigeard au Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus. Guère étonnant qu’un gouvernement socialiste ait décidé de rendre hommage à une figure symbolique de la conduite des guerres coloniales françaises. Les socialistes n’ont jamais été très en pointe dans la solidarité avec les luttes de libération des peuples colonisés.On pourra être toutefois un peu étonné par le ton martial de la page dédiée à la cérémonie sur le site du ministère de la Défense, où l’on évoque par exemple « celui vers qui les regards se tournent naturellement dans les moments les plus difficiles ». Et tout à l’avenant… Nous rappelons que celui qui se défendait d’avoir lui-même pratiqué ce « mal nécessaire » (il demandait qu’on cesse de l’« emmerder avec ça ») qu’était selon lui la torture, a laissé son nom aux « crevettes Bigeard », technique consistant à sceller les pieds de sa victime vivante dans un bloc de béton et à le larguer d’un avion en pleine mer. Une « technique » si ingénieuse que les militaires argentins l’ont plus tard reprise à leur usage.Une pétition (accessible sur http://nonatouthommageabigeard.net) a recueilli plus de 4 000 signatures et a été remise lundi 19 novembre au ministère de la Défense. Une délégation y a été reçue par les chefs de cabinets (civil et militaire) qui ont fait état de la volonté d’« apaisement » du gouvernement. Apaisant pour qui, un hommage à Bigeard ? Il ne faut paraît-il pas « surévaluer » la signification de cette « cérémonie très attendue par les soldats » et présentée comme un compromis, en retrait sur le projet du précédent gouvernement de transfert des cendres aux Invalides. Ce n’est, dit-on au ministère, que la mémoire du résistant et du combattant de la guerre d’Indochine qui devait être saluée. Et en Indochine, tout s’est bien passé, évidemment ! Demandez aux Vietnamiens. La doctrine officielle est aujourd’hui que « l’histoire coloniale fait partie du passé de la France », dont il convient « d’assumer différentes visions » car « les points de vue sont libres ». Quant à la guerre d’Algérie il ne devait pas en être question. Simple péripétie dans la vie du général, finalement ! À moins qu’elle ne soit évoquée par Giscard, invité à prendre la parole. Ce Giscard dont Bigeard fut plus tard ministre… comme Papon !François Brun