Le premier round de la discussion budgétaire s’est achevé mardi avec le vote du projet de budget pour 2015 par les députés. Un texte supplémentaire d’austérité et de cadeaux au patronat a donc été approuvé par 266 voix pour (247 contre). 37 députés socialistes se sont abstenus.
Seuls les spécialistes arrivent à se repérer dans les différents épisodes budgétaires. Ce mardi 16 novembre, c’est le projet de budget de l’État pour 2015 qui a été approuvé par les députés (après les votes séparés sur les recettes et les dépenses il y a quelques semaines). Ce texte va ensuite être discuté au Sénat puis revenir pour décision finale devant les députés.Mais au fil du temps, ce budget 2014 a été modifié : le gouvernement a déposé la semaine dernière un budget rectificatif pour 2014 qui doit encore être discuté et voté par le Parlement en décembre. Mais il y aussi le budget de la Sécurité sociale, qui a déjà été voté par les députés, modifié par les sénateurs, et va revenir prochainement devant les députés pour être approuvé définitivement.
Menu unique : les cadeaux au MedefLes plats sont présentés différemment mais il s’agit en fait d’un menu unique. Le fil directeur, c’est le Pacte de responsabilité, qui accorde aux entreprises 40 milliards d’euros d’ici à 2017. Malgré, la baisse des dépenses publiques (de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales) de 21 milliards d’euros, il en résultera en 2015 d’après les prévisions gouvernementales un déficit public de 4,3 % du produit intérieur brut – PIB – (contre 4,4 % cette année). De plus ce budget est construit sur une hypothèse de croissance de 1 % en 2015 (après 0,4 % cette année), hypothèse de croissance d’ores et déjà mise en doute.Durant ce marathon budgétaire, le gouvernement a eu deux problèmes : la Commission de Bruxelles et les « frondeurs » du PS. Il ne s’agit pas vraiment d’adversaires, car des deux côtés, il y a un accord avec le gouvernement sur les lignes de force de la politique. Mais pour Bruxelles, il faut se débrouiller pour afficher un déficit moins élevé. Pour les « frondeurs », il faut rendre la potion de l’austérité et des cadeaux aux patrons un peu moins amère en faisant quelques gestes « de gauche ».
Les deux jambes du gouvernementLa bande Hollande-Valls-Macron assure marcher sur ses deux jambes : pour Bruxelles, les 21 milliards de coupes budgétaires ; pour la gauche, la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu censée bénéficier aux ménages modestes pour un coût de 3,2 milliards d’euros.Par contre, le gouvernement s’est opposé aux velléités de certains députés PS qui avaient déposé des amendements ébréchant légèrement les cadeaux au patronat. Ainsi, les grandes entreprises ont trouvé une astuce pour bénéficier du taux supérieur du Crédit impôt recherche (qui permet de réduire leurs impôts) : elles créent des filiales juridiquement indépendantes et ainsi restent en apparence en-dessous du seuil de 100 millions d’euros (le taux du crédit est ainsi de 30 % au lieu de 5 %). Le gouvernement a refusé tout contrôle. Les amendements (pourtant très limités) concernant le CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi) et l’« optimisation fiscale » (les astuces utilisées pour payer moins d’impôt) ont également été rejetés. Les grandes entreprises vont pouvoir continuer à faire passer leurs bénéfices au Luxembourg et ailleurs !
Un mouvement contre le budget reste à construireComme il faut bien faire des gestes, quelques mesurettes ont cependant été concédées par le gouvernement : 45 000 emplois aidés supplémentaires pour dissimuler le chômage et une nouvelle prime à l’embauche des apprentis. Plus 200 millions pour soutenir l’investissement des collectivités locales (qui en fait ont perdu beaucoup plus) et 100 millions pour accompagner la réforme des rythmes scolaires... Mais ces « surcoûts » devront être compensés par des économies supplémentaires dans les administrations !Les « frondeurs » ont donc continué à « fronder », c’est-à-dire à ne pas s’opposer. Du coup, Gattaz repart à l’attaque et demande la suppression de l’impôt sur la fortune : pourquoi se gêner ? Les sommets syndicaux sont aux abonnés absents ou négocient des reculs. Il faudra d’autres manifestations du 15 novembre, bien plus nombreuses, bien plus déterminées, et des luttes sociales, pour que ça change.
Henri Wilno