Renaud Camus est l’un des théoriciens du « grand remplacement », ce néfaste fantasme complotiste de l’extrême droite identitaire selon lequel un processus de substitution des populations blanches serait à l’œuvre dans les pays occidentaux, progressivement remplacées par des populations « arabo-musulmanes ». Renaud Camus est raciste, Renaud Camus est islamophobe, Renaud Camus se plaint du nombre de juifs présents dans des émissions de France Culture… Bref, Renaud Camus est un immonde personnage, et il est en outre dangereux : Brenton Tarrant, le terroriste suprémaciste australien qui a assassiné 51 personnes lors d’un double attentat contre des mosquées à Christchurch en mars 2019, s’est revendiqué des « théories » de Renaud Camus dans le « manifeste » qu’il a publié avant de passer à l’acte.
Mais dimanche 31 octobre, à partir de 19h, Renaud Camus a eu micro ouvert pendant plus de 20 minutes sur CNews, à l’invitation d’Ivan Rioufol, éditorialiste au Figaro et sur la chaîne d’info de Bolloré. Présenté par Rioufol comme un « lanceur d’alerte » (sic), Renaud Camus a pu tranquillement déverser sa bile, avec les encouragements de son hôte, pour le plus grand bonheur de tous les identitaires et autres néonazis qui se sont empressés d’inonder les réseaux sociaux d’extraits de son intervention, entre autres lorsqu’il explique que « le grand remplacement se poursuit à une rapidité hallucinante », que « les flots de peuples de substitution continuent et arrivent sur notre continent » et que, pour lui, bien évidemment, Éric Zemmour est « une source de grande espérance ».
La présence de Renaud Camus sur CNews n’est bien sûr pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, au sein d’un paysage médiatique où les idées d’extrême droite ont été normalisées, banalisées, et où leurs promoteurs ont table ouverte. Mais le micro tendu à cet ignoble personnage n’en est pas pour autant un non-événement, tant cette invitation illustre de manière spectaculaire, a fortiori avec la promotion en grande pompe que la chaîne en a faite, le cours néofasciste de CNews, devenue une chambre d’écho — en continu — de toutes les idées les plus dégueulasses, racistes, sexistes, homophobes, autoritaires, un sinistre café du commerce ultra-réactionnaire dans lequel on retrouve probablement davantage de malfaisants d’extrême droite que dans une brasserie à Münich en 1923.
Certains diront peut-être que l’on sait que CNews est d’extrême droite, que l’invitation faite à Renaud Camus n’a dès lors rien de surprenant, et qu’après tout c’est un média privé et qu’il est libre de donner la parole à qui il veut. Mais ce serait un peu trop facile. Déjà parce que CNews bénéficie d’un canal public de diffusion de ses programmes, et donc d’une convention avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), et donc d’une autorisation des pouvoirs publics, que rien n’oblige pourtant à offrir de tels canaux, qui sont en nombre limité et dont les attributions sont conditionnées, à une chaîne faisant de la propagande néonazie. Et aussi parce que certains, à gauche, et même dans une certaine gauche radicale, continuent d’accepter de répondre positivement aux invitations de CNews et donc, partant, de la cautionner comme média légitime. Qu’il s’agisse des uns (CSA) ou des autres (invitéEs), la question que l’on peut (se) poser est assez simple : ça va durer encore longtemps ?