Publié le Mercredi 25 mai 2011 à 18h54.

-> Contribution de Salah Amokrane (Forum social des quartiers populaires)

Les quartiers? Une priorité politique.....

Nous sommes depuis plus de 25 ans, dans un contexte où la question des banlieues et quartiers populaires, en lien avec les questions d‘immigrations, et le refus d'assumer le caractère multiculturel de la société, est centrale dans la vie politique française. Cela vire parfois à l‘obsession, et à l'approche des échéances électorales, souvent à l'hystérie. «Les quartiers servent de défouloir pour des politiques et des médias en mal de petites phrases assassines sur les "territoires perdus de la République", "parents irresponsables", "zones de non-droit" "mafiatisation" et autres "dérives islamistes". Les habitant-e-s, et notamment les jeunes, sont stigmatisé-e-s et désigné-e-s comme les principaux responsables des dérives de notre société. Ca ne coûte pas cher de donner des leçons de civisme et de montrer du doigt les "racailles" ou les "sauvageons" en les jetant à la vindicte populaire.1».

Dans la perspective de 2012, il semble bien qu'encore une fois, derrière les questions d'insécurités, et de façon plus nouvelle, derrière la question de la laïcité, c'est sur le dos des quartiers et des banlieues que va se faire pour une bonne part la prochaine campagne. Il apparait que la nouvelle figure dangereuse, l'épouvantail, après celle ressassée de l'arabe, soit celle du musulman. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, si ce n'est pour me préoccuper qu'une bonne partie de la gauche aujourd'hui, y compris celle sensée représenter la rupture avec le capitalisme, et là aussi sous couvert de défense de la laïcité, se complait dans des ambiguïtés douteuses.

Pour la gauche (au moins la vraie), l'un des enjeux est de faire de la question des quartiers populaires, des banlieues, une question politique de premier plan, une question centrale, à l'inverse des politiques spécifiques institutionnelles, comme la pseudo politique de la ville, et bien sur au contraire de la façon dont la droite et de l’extrême droite, en font une question centrale.

Cela devrait sembler évident, qu'au fond aujourd'hui classes populaires et quartiers populaires, sans se confondre totalement, sont la même question. Je voudrais me tromper, mais j'ai le sentiment que la gauche a baissé les bras, considérant ces lieux à travers les taux d'abstentions, comme des déserts politiques.

C'est vrai que les tentatives, je pense bien sur au Forum Social des Quartiers Populaires, d'organiser la prise de parole, de dégager un espace significatif d'expression politique, des quartiers, n'ont pas encore complètement abouties, mais elles existent. Quelque soit l'issue des élections et au delà, il n'y a pas d'autres choix que de parier sur l’existence d'une telle force politique, qui sera un espace d'affirmation d'une parole politique, sociale et culturelle à partir des expériences, des histoires, et de la mémoire de nos quartiers. C'est même, j'ose le dire, un des endroits du renouvellement de la pensée, de l'action politique, des formes de solidarité, du vivre ensemble...

Oui, il s'agit de refuser, d’éternellement déléguer le pouvoir à ceux qui ne nous représentent pas.

Non, il ne s'agit pas de simplement défendre les quartiers, pour les quartiers, mais d'une référence commune, pour des lieux qui bien qu'a la périphérie de nos villes en sont le centre politique. Car ces quartiers ne sont que des loupes grossissantes de l'état de la société, des questions du travail, de la santé, du racisme, de la ségrégation urbaine, de l'éducation, du travail, du libéralisme, du sexisme, de l'environnement.....

Arrêtons de penser qu'il ne s'agit que d'une minorité de la population, ce sont des exemples du sort majoritaire qui nous attends à tous, si nous détournons le regard.

Dans les années 80, la gauche, et l’extrême gauche, n'ont pas soutenu l'émergence d'une force politique autonome. Malgré les craintes et les réticences de certains, il faut affirmer la nécessité d’une expression politique autonome de mouvements issus des quartiers populaires. Aujourd'hui plus que jamais, c'est de l'intérêt de tous qu'existe un tel mouvement, incommode, contestataire,...mais absolument nécessaire.

Salah Amokrane (FSQP) est ancien conseiller municipal de Toulouse et tête de liste "Motivé-e-s"

1Appel «Forum Social des Quartiers Populaires»