« Est-ce qu’on va se laisser enfermer dans des débats puants avec Zemmour et compagnie ? » Ainsi s’exprimait Jean-Luc Mélenchon le 17 septembre dans Libération. Mais ça, c’était avant. Avant qu’un certain Mélenchon Jean-Luc n’annonce, dimanche 19 septembre, à grands renforts de tweets, sa participation à un débat « mano a mano » avec le sinistre Éric Zemmour. Que s’est-il passé en 48 heures ? Nous ne le savons pas. Et à vrai dire, ce n’est pas notre problème.
Le problème est plutôt celui de l’existence même de ce « débat », diffusé sur BFM-TV le 23 septembre, dont on a beaucoup de mal à voir, quelle qu’en soit la teneur, comment il pourrait avoir un autre vainqueur que Zemmour et ses idées dégueulasses. Car participer à ce genre de confrontation lorsque l’on est un responsable politique de gauche, a fortiori président d’un groupe parlementaire et candidat pour la troisième fois à la présidentielle après avoir obtenu plus de 7 millions de suffrages et près de 20 % des voix en 2017, c’est participer à l’opération de légitimation de la « posture présidentielle » d’Éric Zemmour.
En effet, quand bien même il s’agirait de s’opposer frontalement à son discours, il s’agit bel et bien d’une reconnaissance implicite de la légitimité de celui-ci dans l’espace politique et médiatique, et de la légitimité de celui qui le porte. Un type de configuration qui n’a rien à voir, soulignons-le, avec le débat présidentiel d’avril 2017, qui était un débat entre candidatEs, avec toutes les « familles » politiques représentées, et dans lequel la présence d’unE candidat d’extrême gauche ne jouait nullement un rôle de légitimation des autres candidatEs.
En outre, prétendre que l’on va « déconstruire » le discours de Zemmour dans un format du type « débat contradictoire sur une chaîne d’info », c’est se faire bien des illusions, tant la « méthode Zemmour » (raccourcis, amalgames, outrances, provocations) est parfaitement adaptée à ce type de format – à moins que ce ne soit l’inverse. Zemmour est partout, son discours fasciste aussi, et il y a bien d’autres moyens de le combattre que de venir sur « son » terrain et de lui conférer un statut d’interlocuteur légitime. Le résultat est malheureusement connu d’avance : « C’est comme se battre avec un porc. Vous finissez tous les deux couverts de boue. Et le porc est content. »